Aller au contenu principal

Peuple & Culture : toujours transformer le monde

Chapo

L’union Peuple & Culture fête ses 80 ans. Son nom ne vous dit peut-être rien, mais elle est l’un des partenaires de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (Ofaj) depuis sa création, et elle a développé et diffusé de nombreux outils d’éducation populaire et d’autoformation.

Visuel
Image
Alors que Peuple & Culture fête ses 80 ans, son conseil d'administration travaille à la transmission des valeurs et des outils nés de l'histoire et des expérimentations du mouvement.
Légende
Alors que Peuple & Culture fête ses 80 ans, son conseil d'administration travaille à la transmission des valeurs et des outils nés de l'histoire et des expérimentations du mouvement.
Droits
Toutes photos © Peuple & Culture
Publié le
Corps

La naissance de Peuple & Culture est indissociable de notre histoire : il s’agit en effet d’un mouvement d’éducation populaire créé par des résistants durant la Deuxième Guerre mondiale. « À cette époque, ils travaillaient dans différents maquis du Vercors à créer des cercles culturels ; ils organisaient des séances de débats et de réflexions avec l’idée de développer l’esprit critique des combattants. » À leurs yeux, il ne suffisait pas uniquement de savoir se battre ; une fois le pays libéré, il faudrait le reconstruire et il serait préférable de le faire avec des gens qui auraient réfléchi. Il y avait une intention de lier l’action et l’expérimentation à la réflexion pour transformer le monde. « C’est le message de 1945 et, en 2025, il fonctionne encore bien ! »

Maxime Boitieux est arrivé il y a huit ans à Peuple & Culture. Aujourd’hui coordinateur national, il fait partie de la nouvelle génération, arrivée en responsabilité sans avoir connu les fondateurs. « Les derniers d’entre eux sont décédés au début des années 2000, je ne les ai donc pas connus, comme beaucoup dans le réseau. Il y a donc un réel enjeu de transmission. C’est le constat que nous avons fait en préparant les 80 ans de Peuple & Culture : on a besoin de transmettre nos valeurs et de partager nos expérimentations vers l’extérieur mais aussi en interne, parce qu’il y a un renouvellement de génération. »

Certaines des associations membres de l’union Peuple & Culture sont spécialisées dans les échanges interculturels entre jeunes.

Maxime Boitieux est arrivé dans l’union par la pédagogie interculturelle et les échanges franco-allemands. C’est un champ important pour Peuple & Culture qui compte, parmi les résistants fondateurs, l’Allemand Joseph Rovan, ayant fui le nazisme, qui a été au cœur des relations entre l’Allemagne et la France après 1945. Il fut notamment conseiller de Helmut Kohl et de Jacques Chirac.

Ouverte sur le monde

« Peuple & Culture est une union composée d’une vingtaine d’associations, situées un peu partout en France. Il existe deux gros noyaux, l’un à Grenoble, où a été fondé le mouvement en février 1945, et l’autre en Occitanie, autour de Montpellier et de Nîmes. » L’union est composée d’associations, touchant tous les publics et tous les âges, travaillant toutes autour d’une pratique artistique culturelle qui permet ensuite d’aborder les questions de l’éducation populaire, de transformation sociale et politique, d’émancipation. Certaines associations travaillent sur le jeu, comme la Maison des jeux de Grenoble, d’autres sur la littérature, l’écriture, le théâtre, le cinéma documentaire… « Un autre point commun du réseau est le manifeste de Peuple & Culture écrit en 1945, auquel chaque association se réfère. »

L’union a plusieurs grands champs d’action. Il y a la pédagogie interculturelle et la mobilité des jeunes, les pratiques artistiques et culturelles et la formation à des pratiques d’éducation populaire qu’elle a développées, comme la méthode de lecture collective arpentage ou l’entraînement mental pour apprendre à penser et à agir dans la complexité.

« On part toujours du terrain pour agir. Les associations membres identifient la thématique, l’enjeu, la problématique… Ensuite, au niveau de l’union, nous donnons corps aux besoins, de la cohérence, et nous cherchons à accompagner les associations et à leur donner la possibilité de développer leurs actions. » Certaines organisent des cycles d’échanges interculturels de jeunes, une semaine de mobilité avec des jeunes âgés de 14 à 30 ans de France, d’Allemagne et d’Espagne. Elles proposent un cycle, c’est-à-dire qu’elles vont une fois en France, une fois en Allemagne, une fois en Espagne, avec le même groupe, en travaillant une thématique qui leur est propre. « L’association La Obra travaille par exemple dans le Finistère sur le théâtre et organise des échanges autour de cette pratique. À la fin, la production théâtrale des jeunes est jouée sur la place du village à Pont-Croix, où l’association est domiciliée. »

Paragraphes

Peuple & Culture en chiffres

Peuple & Culture, c’est une vingtaine d’associations, quelque 5 000 adhérents sur l’ensemble du réseau et, chaque année, environ 10 000 jeunes jusqu’à 30 ans touchés.

L’éducation permanente

« Si l’on veut être cohérent avec nos valeurs et ce qu’est l’éducation populaire, on doit défendre l’idée de la formation tout au long de la vie, le principe d’éducation permanente. On n’a pas juste le droit à la formation parce qu’on est salarié… C’est important pour nous de permettre que tout le monde puisse se former. » Peuple & Culture met ainsi à la disposition de tous de l’autoformation et essaime les outils et méthodes qu’elle a développés au fil des années. « On est un mouvement qui a plutôt beaucoup écrit et beaucoup réfléchi. »

Par exemple, le mouvement propose un module d’autoformation à l’arpentage, une méthode de lecture structurée à la fin des années 1990. C’est une proposition d’exploration collective de documents qu’il est souvent difficile d’aborder seul, sans clés de lecture. Elle permet la découverte et l’appropriation critique de ces documents par un groupe d’une dizaine de personnes qui s’en répartit la lecture.

On trouve pareillement un module consacré à l’entraînement mental. Il s’agit cette fois d’une méthode d’appréhension qui entraîne à saisir la complexité de situations sociales vécues, pour pouvoir agir en collectif sur les insatisfactions repérées et les transformer. Elle permet d’analyser une situation en prenant en compte l’ensemble des aspects et des contradictions pour ensuite réfléchir en quoi c’est un problème et le reformuler et passer à l’action. Imaginée en 1935 par l’un des fondateurs de l’union, Joffre Dumazedier, elle avait été conçue pour des ouvriers autodidactes peu scolarisés. Cet « art de penser » s’est démocratisé au fil des années ; il a été expérimenté, partagé, enrichi…

Fidèle à l’esprit de l’éducation populaire, Peuple & Culture développe et diffuse de nombreux outils de formation et d’autoformation accessibles au plus grand nombre.

« On dit entraînement mental parce que c’est la même idée qu’un entraînement physique. Pour courir un marathon, il faut s’entraîner, effectuer des exercices ; pour réfléchir, il faut aussi réaliser des exercices et des entraînements. La question de la formation à l’apprentissage linguistique par les pratiques artistiques et culturelles s’est également développée ces dernières années. L’apprentissage des langues est aujourd’hui toujours très utilitariste ; on apprend une langue parce qu’il faut une bonne note ou parce qu’on a besoin de faire des démarches administratives. Notre idée est de dire que l’apprentissage linguistique doit passer par du sensible et la découverte de pratiques artistiques et culturelles. Plusieurs associations ont expérimenté cela sur le terrain et nous avons modélisé une formation. » Cette formation est animée notamment auprès des acteurs qui travaillent avec des personnes réfugiées, comme la Cimade, les Restos du cœur.

D’autres modules d’autoformation, diffusés par Peuple & Culture, abordent la question du livre et de la littérature jeunesse. « On a fait le constat que la lecture, et même l’objet-livre, n’a pas totalement disparu. Cependant, ils sont moins fréquents aujourd’hui dans les ACM et il n’est pas toujours évident pour les équipes d’animation de proposer des activités en lien avec la lecture ou même de faire en sorte que le livre soit présent dans la structure. On travaille donc sur la création de modules d’autoformation pour renforcer la place du livre, de la lecture et de l’écriture dans les ACM. »

Même si la rencontre interculturelle ou la pédagogie de la paix restent des sujets très actuels, le 80e anniversaire de Peuple & Culture est l’occasion de réinterroger le projet du mouvement afin d’y intégrer des thématiques qui ne figurent pas dans le manifeste de 1945.

Requestionner pour avancer

Peuple & Culture fête cette année son 80e anniversaire, l’opportunité de réaffirmer les fondamentaux et les éléments importants du mouvement et d’essaimer en interne et en externe ses valeurs et ses méthodes. Le programme de cet anniversaire se trouve sur sa plateforme en ligne. Vous y retrouverez les rencontres et initiatives passées et celles à venir. Les débats sont enregistrés et peuvent être visionnés ou écoutés en replay.

« Nous avons cherché, dans la programmation, comment confronter la pensée historique, ce qui a été imaginé en 1945, avec la pensée contemporaine. Un cycle de rencontres portant sur une thématique donnée et organisées dans différentes associations traite de ce sujet. La première rencontre a eu lieu à la mi-avril à Grenoble sur la question du temps libre. En 1945, le temps libre était important au sein du mouvement, mais qu’est-ce que le temps libre en 2025 ? Joffre Dumazedier a travaillé sur la sociologie du loisir. »

D’autres thématiques, sous d’autres formes, seront abordées, comme la place de l’image et du cinéma documentaire, importante dans l’union car plusieurs associations organisent des comités de spectateurs programmant des séances thématiques suivies d’un débat. « Il y aura aussi un temps sur la question de la pédagogie interculturelle. En 1945, le rapprochement franco-allemand et la pédagogie de la paix semblaient assez évidents. En 2025, vu la situation actuelle, le rapprochement franco-allemand et la pédagogie de la paix dans un monde en guerre reposent des questions. »

Cet anniversaire est par ailleurs une occasion de réinterroger le projet du mouvement. « Le manifeste de 1945 est daté. Dedans, il n’y a aucun élément sur la question du changement climatique, rien sur l’égalité femmes-hommes… Il manque de nombreux sujets d’aujourd’hui. Mais, pour s’autoriser à requestionner quelque chose, il faut savoir d’où l’on vient. L’enjeu de cet anniversaire est donc avant tout de bien réancrer notre histoire. »

Dans cette optique, l’union travaille en plus sur un cycle de podcasts, appelé Générations liées, qui proposera des interviews croisées de deux personnes de générations différentes. « Elles seront disponibles sur notre site et peut-être sur une plateforme d’écoute. Un premier podcast est en train d’être monté sur la question “d’apprendre autrement”. Il y en aura un sur la place des femmes dans l’éducation populaire et dans les associations, un autre sur la transition écologique puis sur les libertés associatives, et encore sur notre rapport avec les discours totalitaires et les discours d’extrême droite… » Peuple & Culture a 80 ans mais ses valeurs et ses actions, très clairement, n’ont rien perdu de leur actualité !

Peuple & Culture  

108, rue Saint-Maur
75011 Paris
Tél. 01 49 29 42 80
https://peuple-et-culture.org/
unionatpeuple-et-culture [dot] org

Titre :
Peuple & Culture : toujours transformer le monde
Auteur :
Florent Contassot
Publication :
29 avril 2025
Source :
https://www.jdanimation.fr/node/2765
Droits :
© Martin Média / Le Journal de l'Animation

Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire.

©2023 Martin Média - Tous droits réservés 
Les contenus, vidéos, infographies et photographies de ce site ne peuvent être utilisés sans autorisation. 
Conception graphique et développement du site : Metropolitan Neo