Castets-des-Landes : se retrouver autour du patrimoine
Au sortir de la crise sanitaire, dans cette petite ville des Landes, élus, associations et équipe du service Enfance et jeunesse se sont mobilisés pour renouer du lien entre les générations à travers la découverte du patrimoine local, départemental, régional et national. Un projet mené haut la main qui a permis aux habitants, toutes générations confondues, de retisser du lien.
Dès que l’on franchit le seuil de l’accueil de loisirs du Marensin, à Castets, petite ville de 2 400 habitants dans les Landes, ce lundi 7 août 2023, tous nos sens se réveillent : des enfants et animateurs tout de blanc et rouge vêtus, en tenue de féria ; des rires et des cris – les enfants ont réintégré leur locaux après des travaux et se réapproprient les lieux ; des plats garnis de merveilles, ces fins beignets du Sud-Ouest, attendent les gourmands ; l’odeur de madeleines sorties du four qui se répand dans la pièce…
On nous avait averti : pour cette journée dédiée au patrimoine, la gastronomie landaise serait à l’honneur !
Dans la salle de jeux ombragée en ce jour caniculaire, une dizaine de petits castésiens attendent Pierre Labeyrie. Cet imposant monsieur moustachu au fort accent landais, coiffé d’un béret et vêtu d’une marinière – la panoplie des gemmeurs (résiniers) d’autrefois – entre pour leur raconter un conte en gascon, puis en français.
Un conte gascon
Les enfants, attentifs, essaient de comprendre cette histoire où il est question d’un lièvre, « le lièvre le plus beau de la région, à la tête très grosse et aux jambes arrière comme des échasses », des bateliers du courant d’Huchet, de chasseurs « qui décident d’attraper le lièvre un samedi d’hiver ». Les chasseurs envoient leurs chiens, qui coursent l’animal et sont stoppés par un obstacle : le courant. Le lièvre bondit, se retourne, et leur montre ses fesses. Pierre Labeyrie associe le geste à la parole, provoquant l’hilarité des enfants ! La glace est brisée.
Le conteur présente le travail ancestral des gemmeurs, qui consistait à extraire la résine des pins (le « sang de l’arbre » comme le souligne un enfant) afin de fabriquer de l’essence de térébenthine et de la colophane : « L’arbre est rond, on enlève l’écorce, on fait une saignée, on attaque le bois. »
Cet échange est l’occasion d’apprendre aux enfants la signification de quelques mots gascons comme le mot « Adishatz » pour dire « bonjour » ou « au revoir ». Un petit garçon reconnaît cette expression : « Ma mamie Marie-France, elle dit “Adishatz” quand elle part de chez quelqu’un ! »
L’Hymne des landais
Les enfants sont curieux, posent des questions. « Est-ce que le lièvre existe toujours ? », demande un petit garçon. Pierre Labeyrie lui répond que « c’est une légende » dont on recense de nos jours deux versions. « Le lièvre, il a disparu, mais l’histoire, elle reste », conclut-il. Une autre question concerne la langue gasconne, dont c’est une véritable découverte pour la plupart des enfants : « Pour vous, c’est plus facile de parler gascon ou français ? » Pierre Labeyrie regrette qu’« il n’y ait pas eu de relève même dans les jeunes » ; il répond que le français est plus facile pour lui, mais qu’il continue de parler gascon « pour ne pas le perdre », notamment à ses petites-filles.
Garant des traditions du Sud-Ouest, Pierre Labeyrie précise qu’il « s’efforce de chanter et de faire chanter L’Hymne des Landais au rugby ». Il invite les enfants à entonner le refrain avec lui, en gascon et en français.
Cette animation s’inscrit dans le projet « patrimoine » décliné durant toute l’année 2023 par les équipes d’animation de la ville : s’ouvrir au patrimoine landais et français. Il s’agit de permettre aux enfants « d’ouvrir les yeux sur tous les trésors cachés du village », souligne Emma Lavielle, coordinatrice Enfance Jeunesse de la commune, en « vivant des temps de rencontres et d’échanges et de convivialités » entre petits, grands, familles, personnes âgées…
Le Covid-19 est passé par là et a laissé des traces. Il s’agit pour les élus et les agents de la commune de « renouer les actions intergénérationnelles stoppées durant la crise sanitaire ». Les neuf agents du service animation et des associations castésiennes – la commune compte un fort tissu associatif – portent le désir de « s’ouvrir sur le monde extérieur ». Et ce, à travers diverses actions autour de la découverte du village et des Landes, et de la France, alors qu’« un circuit de découverte de l’histoire de Castets, riche, de manière ludique et pédagogique, devrait voir le jour » prochainement. Il s’agit d’« intégrer ce gros projet autour du patrimoine de la commune et y participer à notre échelle », précise Emma Lavielle.
Tout au long de l’année, les enfants ont rencontré les aînés de l’Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de la commune : « relais patrimoine » à pied et à vélo adapté aux enfants et aux séniors, visite avec les aînés de la réserve naturelle d’Arjuzanx avec partage d’un pique-nique ; repas partagé à la cantine ; atelier cuisine en partenariat avec l’association Lou Balens (qui a dévoilé ses secrets de fabrication des madeleines et des merveilles aux enfants).
Les adolescents ont aussi été mobilisés et intégrés dans ce projet patrimoine, de façon « ludique et innovante », souligne Emma Lavielle. Ils ont pu participer, avec des artistes de street art reconnus, Abys et Scaf, à la réalisation de deux fresques à la bombe et à la peinture sur deux murs du pôle. « Les artistes nous ont présenté des maquettes et les élus ont validé leur projet », précise Vanessa Fruit, conseillère municipale de la commune. « L’éléphant et la souris font désormais partie du paysage castésien. L’idée, c’est de faire comprendre que tout le monde, du plus petit au plus grand, peut trouver sa place. »
Une vidéo
Les enfants de 6-11 ans de l’ACM de Castets ont réalisé une courte vidéo, présentant leur structure, leurs traditions et coutumes, le Paquito que l’on retrouve dans les férias, le lancer de pignes et de bérets, les échasses… mais aussi leur découverte des lieux qu’ils fréquentent (la rivière, le stade, le cinéma, leur accueil de loisirs, leur école, etc.). Et tout cela sur fond de la chanson Dans les Yeux d’Émilie, de Joe Dassin, véritable hymne des bandas du Sud-Ouest ! Les enfants ont adressé cette vidéo aux accueils de loisirs qui ont participé à leur correspondance estivale.
Ouvrir son horizon
L’année a aussi été rythmée par des activités manuelles, des veillées, des sorties dans des lieux proposant « des activités qu’on ne connaît pas forcément, pourtant à cinq minutes de chez nous », souligne Emma Lavielle, comme le musée des Landes d’antan à Lit-et-Mixe, le phare de Contis…
Durant les vacances d’avril, les enfants ont planté le traditionnel « mai » au centre de loisirs, au cours d’une « mayade », une coutume consistant à décorer le tronc d’un jeune pin en l’honneur d’un ou plusieurs individus (un retraité, un maire…).
Les enfants ont aussi lancé une bouteille à la mer, via Facebook, demandant aux ACM de France et de Navarre de leur envoyer « une lettre avec photos (ou vidéo si envoi par mail) [leur] permettant de découvrir leur région : monuments, spécialités culinaires, histoires/légendes, culture… » afin de relever leur défi : « Recevoir au moins une réponse de chaque région pour illustrer une carte géante de la France tout au long de l’été. » En effet : découvrir et connaître son patrimoine, cela ne signifie pas se renfermer sur soi. Bien au contraire, il s’agit, pour les enfants et leurs animateurs, d’élargir leur vision du monde qui les entoure depuis le village, le département, la région, au territoire français. La Vienne, la Corse et l’Alsace ont répondu à l’appel. Une relance a eu lieu à la rentrée de septembre et a ouvert l’appel à contribution à des particuliers…
Un projet à préparer en amont
Ce projet d’envergure qui se décline en de nombreuse actions demande du temps, de l’investissement, notamment dans les recherches de partenariats financiers comme la CAF. « Cela prend du temps et de l’énergie, mais quand on voit tout ce que cela produit, on l’oublie », se réjouit Emma Lavielle. Elle prend à titre d’exemple les relations entre les enfants et les aînés : « Au cours des échanges avec les résidents de l’Ehpad, il n’y avait pas beaucoup de mélanges entre les enfants et les personnes âgées, peu d’interactions. »
Idem, l’appel Facebook aurait dû « être lancé un peu plus tôt », Emma Lavielle pointant qu’il aurait fallu le « faire partir quelques mois avant, le temps de se poser avec les enfants, de préparer ce que l’on envoie ».
Autre action qui prend du temps et qui se prépare bien en amont : « réussir à capter les associations » et des partenaires (Ehpad du Marensin, services culturels et techniques, CAF, Street artists et association Lous Balens). « Cela demande des rencontres entre l’équipe de direction et les associations, mais quand on voit ce que cela apporte, il ne faut pas hésiter à le faire ! » Car, comme le souligne Emma Lavielle, « ce qui a été moteur » tout au long de ce projet qui demandait d’en mener plusieurs, de les faire se croiser et de les coordonner, ce sont « les réels échanges, la complicité entre les enfants et les anciens. Cela nous a fait du bien, à tous, après être restés dans notre bulle pendant des années ! »
Mairie
40, place Édouard-Laudouat
40260 Castets-des-Landes
Tél. 05 58 89 40 09
- Titre :
- Castets-des-Landes : se retrouver autour du patrimoine
- Auteur :
- Isabelle Wackenier
- Publication :
- 23 décembre 2024
- Source :
- https://www.jdanimation.fr/node/2143
- Droits :
- © Martin Média / Le Journal de l'Animation
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