Les sénateurs votent le transfert à l’État du financement des AESH intervenant sur le temps méridien
Le Sénat a adopté à l’unanimité le 23 janvier 2024 une proposition de loi visant à assurer la continuité de la prise en charge des enfants en situation de handicap tout au long de la journée, en y intégrant le temps périscolaire méridien.
Qui, de l'État ou des collectivités, doit prendre en charge l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap (ESH) sur le temps méridien ? Alors que le Conseil d’État estimait, en 2020, que la compétence de l’État se limite à une prise en charge sur le temps scolaire, le Sénat a adopté le 23 janvier 2024 une proposition de loi visant à élargir cette compétence au temps méridien.
C’était l’une des recommandations émises par le sénateur LR Cédric Vial, auteur également de cette proposition de loi, dans un rapport paru en mai dernier.
La question de la gestion des accompagnants se pose de manière récurrente, les AESH étant au carrefour des relations entre État et collectivités. La Défenseure des droits, notamment, pointait "l’inégal accès à l’éducation" des enfants en situation de handicap, en raison des difficultés de recrutement des AESH. Elle recommandait notamment de déterminer avec les collectivités territoriales comment l’accompagnant intervenant sur le temps scolaire peut aussi intervenir durant le temps périscolaire, afin d’assurer "la continuité de l’aide".
"Mettre fin aux inégalités de situation"
C’est justement l’objectif de la proposition de loi, dont le texte vise à assurer "la continuité de la prise en charge" de l’élève. Elle doit aussi "mettre fin à des inégalités de situation qui pèsent sur les élèves handicapés ayant besoin d’une aide sur le temps méridien, en fonction de l’établissement scolaire qu’ils fréquentent et des capacités de celui-ci ou de la collectivité territoriale à supporter cette charge financière et administrative".
Depuis 2006, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a quadruplé, rappelle le rapport, passant de 118 000 à 478 000 élèves à la rentrée 2023. Cette augmentation s’est accompagnée d’une forte hausse du nombre d’AESH, devenu le deuxième métier de l’Éducation nationale. Mais la rapporteure de la commission Éducation du Sénat, Anne Ventalon (LR), constate "une absence de données précises du nombre d’ESH bénéficiant d’un accompagnement humain sur la pause méridienne", chaque acteur concerné "se renvoyant la balle". Néanmoins, selon un sondage de 2021 réalisé par la Dgesco, seuls "6,1 % des élèves en situation de handicap bénéficiant d’un AESH sur le temps scolaire disposaient également d’une organisation spécifique sur le temps périscolaire, soit environ 13 200 élèves".
Des inégalités observées, d'une commune à l'autre
Aussi cette proposition de loi vise-t-elle à mettre fin aux "incertitudes" qu’a entraînées la décision du Conseil d’État limitant la compétence de l’État de la prise en charge des ESH sur le seul temps scolaire. La responsabilité de l’organisation du temps de restauration scolaire incombant aux collectivités, la rapporteure soulève, pêle-mêle, "une dégradation des conditions de travail des AESH", une "charge financière supplémentaire pour les communes, dans un contexte budgétaire contraint", et des élèves "sans accompagnement sur le temps méridien malgré des besoins en ce sens".
Cette décision a été si "lourde de conséquences" que "les services de l’Éducation nationale ont eu pour consigne de ne pas remettre en cause les situations existantes afin d’éviter une mise en difficulté des élèves alors accompagnés pendant la pause méridienne", relève Anne Ventalon.
Autre effet de cette décision : des "différences de traitement entre les élèves". Ainsi, concernant les classes Ulis, où les élèves concernés peuvent être affectés dans un établissement scolaire situé dans une autre commune que celle où ils habitent, "certains maires, au motif qu’ils n’ont pas donné leur accord à cette scolarisation en dehors de la commune de résidence, refusent de prendre en charge l’accompagnement humain sur le temps périscolaire, notamment méridien", déplore la rapporteure. Et des communes refusent même, désormais, "la création d’une classe Ulis dans leurs écoles en raison du reste à charge financier qu’elle entraîne".
Une convention rectorat-collectivité "source de complexités administratives"
Dans les faits, il appartient à l’État de déterminer avec la collectivité territoriale comment un AESH peut intervenir auprès de l’enfant durant le temps scolaire et durant ce service et ces activités, de façon à assurer, dans l’intérêt de l’enfant, la continuité de l’aide qui lui est apportée. Trois options sont possibles :
- la mise à disposition par l’Éducation nationale des AESH volontaires aux collectivités territoriales, à travers une convention tripartite entre le rectorat, la collectivité territoriale et l’AESH concerné,
- le recrutement direct d’AESH par la collectivité territoriale pour les heures d’activités périscolaires,
- le recrutement d’AESH en commun par l’État et par la collectivité territoriale.
Toutefois, la rapporteure relève que la mise à disposition "reste difficile à mettre en place pour les collectivités territoriales. Comme il n’existe pas de convention-type harmonisée, cet outil juridique reste source de complexités administratives".
C’est pourquoi le texte voté par le Sénat veut transférer à l’État la prise en charge financière des AESH intervenant sur le temps méridien. Ainsi :
- l’article 1er modifie la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales et inclut parmi celles relevant de l’État la rémunération des personnels affectés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps scolaire et sur le temps de pause méridienne,
- l’article 2 précise, dans le code de l’Éducation, que les AESH sont rémunérés par l’État lorsqu’ils interviennent sur le temps scolaire et sur le temps de pause méridienne.
"Ce transfert de compétences est nécessaire", insiste la commission, qui souligne "l’urgence d’une réforme systémique et concertée de l’école inclusive, aujourd’hui au bord de la rupture". Ce texte devra s’accompagner "d’une formation complémentaire des AESH axée sur les gestes du quotidien dans le cadre de l’évolution de leur métier", précise la commission éducation du Sénat.
Il reste désormais à voir quelles suites seront données à cette proposition de loi au niveau de l’Assemblée nationale. Lors du débat en séance publique, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, a adopté sur ce texte une "position de sagesse très bienveillante". "Cette proposition de loi règle des problèmes complexes" et apporte de la "visibilité", a-t-elle souligné. Le texte est selon elle un "premier pas", mais doit "s’accompagner d’une réforme de plus grande ampleur, concertée, pour assurer la continuité de l’accompagnement sur toute la journée". Le coût de cette mesure est estimé à 31 M€. Un suivi du parcours législatif de ce texte est disponible sur le site du Sénat.
(Article rédigé avec AEF)
- Titre :
- Les sénateurs votent le transfert à l’État du financement des AESH intervenant sur le temps méridien
- Auteur :
- David Jecko
- Publication :
- 21 novembre 2024
- Source :
- https://www.jdanimation.fr/node/2212
- Droits :
- © Martin Média / Le Journal de l'Animation
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