Selon Thibaut de Saint Pol, le plan 'Pour un renouveau de l’animation' est majeur pour la Djepva
Thibaut de Saint Pol a été nommé le 11 janvier dernier à la tête de la Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (Djepva). Nous lui donnons la parole sur quelques sujets d’actualité du secteur, notamment le plan « Pour un renouveau de l’animation » et les premiers travaux du comité de filière Animation.
Le Journal de l’Animation : Vous avez été directeur de l'Injep avant de travailler en 2021 comme directeur de cabinet pour Sarah El Haïry puis, en 2022, comme secrétaire général du conseil de l’évaluation de l’école… Votre nouvelle fonction est-elle un prolongement ou un retour aux sources ?
Thibaut de Saint Pol : C’est un prolongement, une direction que je connais bien et des sujets qui me tiennent à cœur depuis longtemps. De 2016 à 2021, j’ai été directeur de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire et j’ai eu à cœur de développer la connaissance, la recherche et l’évaluation sur ces thématiques. C’est sur la base de ces connaissances que j’ai travaillé avec la secrétaire d’État en tant que directeur de son cabinet pour essayer de fonder l’action publique sur les connaissances, les diagnostics qu’on pouvait faire de l’ensemble de notre champ. Rejoindre la Djepva est vraiment le prolongement de cette dynamique.
JDA : Les fonctions de directeur de la Djepva et de délégué interministériel à la Jeunesse sont désormais assurées par deux personnes alors que, ces dernières années, elles étaient cumulées par une seule. Faut-il y voir un signe, une volonté politique ?
Thibaut de Saint Pol : Effectivement, les fonctions de délégué interministériel à la Jeunesse sont aujourd’hui occupées par Mathieu Maucort, qui est directement placé auprès de la Première ministre. Nous sommes donc maintenant deux pour porter les politiques de jeunesse. C’est plus de forces pour agir pour la jeunesse à deux niveaux différents. Dans le passé, il a pu être complexe depuis la Djepva de porter des politiques publiques en interministériel en étant intégrée dans un ministère. Ce nouveau positionnement permet à Mathieu Maucort de porter plus facilement certaines actions et de faire le lien entre les administrations. Il est notamment plus pertinent que le Conseil national de la Refondation jeunesse et ses rencontres soient pilotés en interministériel.
JDA : Les mouvements de personnel ont été nombreux ces derniers mois au sein de la Djepva. Ont-ils eu des conséquences sur sa capacité d’action, et pouvez-vous nous confirmer que vos services sont désormais pleinement opérationnels ?
Thibaut de Saint Pol : La première mission que je me donne, que je nous donne collectivement, c’est d’inscrire la Djepva dans un équilibre qui soit durable et qui lui permette de porter sur le long terme, efficacement, nos politiques de jeunesse, d’éducation populaire et de vie associative. Effectivement, la Djepva a été éprouvée par la crise sanitaire, comme toutes les administrations, mais aussi le portage du Service national universel qui a demandé énormément d’énergie. Il est aujourd’hui important que la Djepva puisse retrouver l’équilibre dont ont besoin nos politiques. Et notamment de nombreuses politiques phares, comme le plan « Pour un renouveau de l’animation » qui m’est cher pour l’avoir initié avec Sarah El Haïry, ou de ce que nous portons sur la vie associative dans le cadre des Assises de la simplification.
JDA : Les communications autour du SNU sont nombreuses, mais les deux autres sous-directions semblent plus discrètes… Quels sont donc les grands chantiers à venir autour de l’éducation populaire et des politiques interministérielles de jeunesse et de vie associative ?
Thibaut de Saint Pol : Plus discret, je ne suis pas tout à fait d’accord et je vais vous dire pourquoi. L’une de nos grandes politiques est le mentorat, et donc le plan « Un jeune, un mentor » principalement porté par la Djepva en lien avec le ministère du Travail. C’est une priorité présidentielle avec la volonté, il y a deux ans, d’avoir 100 000 jeunes mentorés dès la première année. L’an dernier, nous avons atteint le chiffre de 150 000. Des moyens extrêmement forts, 27 millions d’euros chaque année pour soutenir les associations développant le mentorat, ont été mis dans cette politique. Elle est accompagnée d’un plan de communication pour la faire connaître, toucher les jeunes qui en ont le plus besoin et aussi trouver des mentors. Cette politique a donc bénéficié d’une grande visibilité. Fin janvier, j’ai installé avec l’Injep un comité d’évaluation en charge d’évaluer objectivement, de manière indépendante ce que donne cette politique du mentorat. On attendra ses résultats pour faire évoluer la politique et en tirer tous les enseignements possibles. C’est ce que permet la Djepva et ce qu’elle permettra à l’avenir, à savoir pouvoir porter les politiques structurantes pour les jeunes et la vie associative, et pouvoir s’appuyer sur l’Injep qui peut nous outiller et nous donner un regard extérieur indépendant pour comprendre ce qui marche et ce qui mérite d’être amélioré.
J’ai parlé de mentorat, mais prenons un autre exemple avec l’animation et la mise en place du comité de filière qui est relié directement à la Djepva. Dans ce cadre-là, il y a un travail étroit qui est fait avec l’ensemble des acteurs pour transformer en profondeur ce champ et répondre à ses besoins qui tournent autour du métier, de l’animation professionnelle, de sa valorisation... mais aussi des choses qui peuvent faciliter le quotidien des gens qui exercent ces professions. Par exemple, leur permettre d’avoir un temps plein. Et puis il y a tout ce qui tourne autour de l’animation plus ponctuelle, plus volontaire en lien avec le Bafa… Il y a là un plan d’action particulièrement ambitieux, auquel je crois beaucoup puisque je l’ai construit en lien avec la filière quand j’étais au cabinet de la secrétaire d’État. Il y a donc une vraie volonté de la Djepva d’accompagner, en lien avec l’ensemble des acteurs, ce plan d’action, son déploiement et de suivre de près l’ensemble des mesures construites et proposées par les parties prenantes : acteurs professionnels, collectivités locales, administrations, etc. C’est un chantier extrêmement important pour nous.
Il y a également les politiques publiques relatives à la vie associative. Maintenant, la Djepva dépend du secrétariat d’État à l’Économie sociale et solidaire et à la Vie associative, où des ambitions fortes sont aussi portées. J’évoquais tout à l’heure les Assises de la simplification associative que la Djepva accompagne. Nous sommes actuellement en train d’analyser les 15 000 retours reçus lors de la consultation qui s’est tenue entre décembre 2022 et janvier 2023 pour ensuite faire des propositions de simplification. Notre ambition sur cet axe, c’est porter des projets comme Data.Subvention ou MonCompteAsso qui simplifient considérablement les usages des associations. Ce sont des savoir-faire que nous avons au sein de la Djepva, et des projets pas toujours connus ou en train de se déployer qu’on souhaite voir se mettre en œuvre rapidement.
JDA : La mise en place du comité de filière Animation a été unanimement saluée mais les volontaires et les professionnels du secteur attendent beaucoup. Que pouvez-leur dire pour les rassurer ? L’État aura-t-il les moyens de mettre en application les propositions futures du comité de filière ?
Thibaut de Saint Pol : Oui et nous nous en sommes bien assurés dès le début. Le financement de ce plan d’actions a été, sur une grande partie des mesures, obtenu au moment de son lancement. Un budget a été mis de côté à ce moment-là afin par exemple de financer les aides pour le Bafa.
La Djepva va se donner les moyens de suivre de très près ce plan d’actions. J’ai par exemple demandé à mon arrivée un suivi précis de chacune des mesures, de voir celles qui étaient déjà en œuvre, celles qui sont en cours et celles à finaliser. Et je m’engage très clairement à ce que la Djepva soit présente pour suivre et accompagner la mise en œuvre de ce plan. Il est ambitieux mais nous comptons bien être au rendez-vous. L’ensemble des parties prenantes était conscient qu’il y avait un réel besoin pour le secteur. Les collectivités locales, face à des difficultés de recrutement notamment dans les accueils périscolaires, sont venues volontiers autour de la table et ont été actives. Évidemment, les professionnels connaissent les difficultés. Ce sont des métiers où le besoin de valorisation, de mise en lumière est essentiel ; ce plan d’action a également la vocation de mettre la focale sur ces métiers. Une part importante de ce plan est par ailleurs consacrée à la formation et à l’accompagnement en compétences. Là aussi, on compte tenir bon et il y a des budgets qui y seront dédiés.
JDA : Les animateurs attendent aussi d’être valorisés financièrement… mais la tâche est complexe.
Thibaut de Saint Pol : Elle est complexe parce qu’effectivement cette valorisation se travaille avec un certain nombre d’acteurs différents. C’est le pari de ce comité de filière Animation qui se met en place et fonctionne bien. Tout le monde est autour de la table, tout le monde est conscient du besoin, y compris les employeurs face à de vraies difficultés de recrutement. Il y a de réels enjeux à trouver des compétences ou d’avoir des effectifs suffisants pour encadrer.
Le plan est clairement identifié dans le paysage et porté à la Djepva et, à ce jour, je n’ai que des retours positifs sur ce qu’on est en train de créer… Mais il faut rester vigilant, ne pas lâcher et, pour nous, ce n’est pas une opération de communication ou un coup d’une fois. Je vous le dis d’autant plus qu’on a tenu depuis le début à ce que le comité de filière soit rattaché de près à la Djepva et à l’administration pour l’inscrire dans la durée. Cela restera le cas et, d’une certaine manière, ma nomination à la tête de la Djepva est également un signal de cette volonté. Je peux vous garantir que nous n’aurons de cesse de poursuivre la dynamique car il y a un réel besoin sur le terrain et tout le monde en est convaincu.
JDA : Un groupe de travail réfléchit depuis assez longtemps à la refonte du Bafa et du Bafd. Où en sont actuellement ses travaux et quand la « refonte » de ces deux brevets pourrait-elle aboutir ?
Thibaut de Saint Pol : Effectivement un groupe de travail sur le Bafa et le Bafd a été mis en place juste avant la crise sanitaire. Depuis, nous disposons de nouveaux éléments, comme l’avis qui vient d’être rendu par le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse qui fait un certain nombre de recommandations que nous sommes en train d’étudier. Les travaux sont donc bien toujours bien d’actualité avec notamment la volonté d’améliorer la reconnaissance du parcours Bafa-Bafd.
JDA : De nouvelles évolutions sont-elles prévues quant à la réglementation des ACM et si oui dans quels domaines ?
Thibaut de Saint Pol : Non, aucune évolution de la réglementation des accueils collectifs de mineurs n’est actuellement prévue.
JDA : De nouvelles actions sont-elles prévues prochainement pour favoriser le départ en vacances des enfants et relancer l'attractivité des séjours de vacances collectifs ?
Thibaut de Saint Pol : Il s’agit d’un enjeu majeur en termes de lutte contre les inégalités sociales. En 2022, seuls 38 % des familles à bas revenus ont pu envoyer leur enfant en vacances familiales ou collectives contre 66 % de celles à hauts revenus, une différence de 28 points selon le Crédoc. De plus, la plupart des enfants ne partant pas en vacances sont ceux qui sont les plus vulnérables aux conséquences de la crise sanitaire en termes de retard, voire de décrochage scolaire. C’est la raison pour laquelle le ministère a initié, depuis l’été 2020, les Colos apprenantes.
Elles ont permis en trois ans de faire partir environ 230 000 mineurs, dont la moitié n’était jamais partie en séjour collectif. Ces séjours apprenants représentent 15 % environ des départs en colos. Cette année, nous reconduisons le dispositif mais en élargissant la base des bénéficiaires afin de favoriser le brassage social, culturel et territorial et en privilégiant des approches pédagogiques relevant de l’éducation active. L’idée centrale est de réunir les conditions pour que ces séjours contribuent à la construction de jeunes citoyens en leur faisant partager des valeurs de tolérance et d’ouverture à l’autre, tout en les aidant à acquérir des nouveaux savoirs et compétences, notamment psychosociales qui faciliteront leur adaptation scolaire, mais sans faire l’école pendant les vacances.
JDA : Si on suit votre parcours professionnel, vous semblez très sensible aux inégalités sociales, peut-on imaginer que vous porterez spécifiquement cette thématique dans votre nouvelle fonction ?
Thibaut de Saint Pol : Cette question des inégalités me semble absolument centrale pour notre pays et c’est pourquoi, pour moi, être directeur de la Djepva est l’un des plus beaux métiers du monde. Notre énergie tous les jours est mise au service des jeunes, au travers de politiques publiques structurantes, mais aussi au moyen de réels leviers qui sont dans les associations, à l’école et dans le péri et l’extrascolaire. Toutes les études montrent cette fracture de la jeunesse, entre des jeunesses qui ne se croisent plus, des jeunesses notamment rurales qui subissent un certain nombre de difficultés spécifiques et c’est un enjeu majeur pour notre action. Ma conviction est que quelque chose de central se joue dans les politiques que l’on porte depuis la Djepva dans cette lutte contre les inégalités sociales.
C’est ce qui fait le sens de nos métiers et, je tiens à le dire, ce sens de nos métiers est une de choses qui rassemble étroitement l’ensemble des agents de la Djepva et de nos collègues des services déconcentrés. Quand on se lève le matin, on sait que nos missions ont du sens, en lien avec tous nos partenaires sur le terrain, dans les associations, sur les territoires.
JDA : Vous êtes l’auteur de trois romans (1) publiés il y a près d’une quinzaine d’années. Était-ce une parenthèse ou l’écrit occupe-t-il encore une place à part entière dans votre quotidien ?
Thibaut de Saint Pol : Je suis papa de jumeaux et mes activités professionnelles font que je n’ai plus le temps d’écrire sur mes loisirs. J’ai adoré écrire ces livres et cela m’a beaucoup appris. Mais, aujourd’hui, ce qui fait sens dans ma vie, c’est ce que l’on fait sur le terrain, c’est que l’on porte pour les jeunes et les associations. La vie est faite de différents moments. L’écrit reste important à mes yeux et je crois au pouvoir des mots sous toutes leurs formes. Beaucoup d’associations portent et diffusent les mots aussi sur le terrain. Aujourd’hui, mes combats sont dans ce domaine.
Propos recueillis par Florent Contassot
(1) N’oubliez pas de vivre (2004), Pavillon Noir (2007) et À mon cœur défendant (2010)
- Titre :
- Selon Thibaut de Saint Pol, le plan 'Pour un renouveau de l’animation' est majeur pour la Djepva
- Auteur :
- Florent Contassot
- Publication :
- 24 novembre 2024
- Source :
- https://www.jdanimation.fr/node/1188
- Droits :
- © Martin Média / Le Journal de l'Animation
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