Travailler ou s'engager ?
Dans un monde où l’entreprise et la création de richesse sont la règle, travail et engagement se mélangent. L’engagement est alors un sous-travail sous-payé. Un exemple ? Le contrat d’engagement éducatif.
Le CEE a été créé en 2006 pour répondre aux besoins des organisateurs de séjours, puis modifié en 2010. Il permet de faire travailler 24 h sur 24 et 6 jours sur 7 des animateur·ices en colo. Il était censé permettre un engagement volontaire des personnes, il s’agit surtout de maintenir un secteur économique à flot.
Les colos sont historiquement une initiative privée à vocation sanitaire et/ou sociale et/ou scolaire. Elles se sont construites via la philanthropie et/ou les politiques sociales. Les moniteur·ices y étaient militant·es et cherchaient à développer une aide et un soutien à des enfants en situation particulière. Les mouvements d’éducation populaire, pédagogiques, religieux ou politiques utilisaient les colos comme outils de militance pour façonner les adultes futurs. On s’engageait dans les colos pour la cause, pour combattre, pour évangéliser ou convaincre. Le bénévolat était un acte militant, le bénévole un adhérent.
Progressivement, les colos ont perdu leurs finalités politiques ou religieuses de transformation de la société. Elles sont entrées en plein dans le marché, la concurrence, le marketing, la vente de produits touristiques, puis les marchés publics, la prestation de service donc l’entreprise. Pour quoi milite un·e animateur·ice dans une colo actuelle ? Pour ou contre l’accrobranche ou les mini-motos ? Quelle différence entre une colo associative, d’entreprise ou d’une société appartenant à une association ? Dans l’organisation, la forme juridique, la pédagogie, le projet pédagogique : rien.
Le personnel éducatif, variable d’ajustement
Ces colos sont un produit, il se vend et doit donc être concurrentiel. Dans les prestations de colos, tout le monde touche sa marge et son salaire : du personnel administratif au brevet d’État en passant par l’agro-alimentaire et les transporteurs, sauf… le personnel éducatif qui devient la variable d’équilibre mal payée et corvéable.
S’engager, c’est choisir librement de défendre des idées : ce n’est pas travailler pour un organisateur. Le CEE doit disparaître : les animateur·ices doivent avoir des salaires dignes, les adhérents des moyens pour militer, notamment du temps. Ensuite à chacun de s’engager ou de travailler.
Tant que le flou existe, le débat sur les moyens d’une politique publique des vacances enfantines ne pourra avoir lieu.
- Titre :
- Travailler ou s'engager ?
- Auteur :
- Jean-Michel Bocquet
- Publication :
- 22 novembre 2024
- Source :
- https://www.jdanimation.fr/node/129
- Droits :
- © Martin Média / Le Journal de l'Animation
Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire.