Aller au contenu principal
Catégorie d'info

L’autorité, un concept à questionner en permanence

Chapo

L’autorité est un concept couramment utilisé et débattu dans l’animation. Mais quel est le sens de ce mot et quelles réalités recouvre-t-il ?

Visuel
Image
Droits
© Estelle Perdu
Publié le
Corps

Définition

Autorité (nom féminin)

Général – Pouvoir légal conféré à une personne de faire faire quelque chose à quelqu’un·e.

Psychologie sociale – Capacité qu’a une personne à recentrer un groupe sur la production ou l’intérêt commun. Elle se construit autour de quatre bases : la légitimité, la disposition de moyens légaux de coercition et de gratification, la compétence reconnue et le charisme.

Animation – Capacité que doit avoir un·e animateur·ice pour faire respecter les règles et cadres de la vie collective, pour permettre à un enfant de s’intégrer dans un groupe et de jouer avec les autres.

L’autorité est un concept grandement utilisé dans l’animation, mais il reste difficile à manier. Dès les premiers écrits pédagogiques sur le rôle et la fonction d’un·e animateur·ice, l’idée que l’adulte doit maîtriser le groupe d’enfant est présente, mais elle est nuancée. On parle alors d’autorité librement consentie, de self-governement ou d’autorité naturelle. Dans les faits, il s’agit de ne pas avoir à passer par la contrainte et la force pour imposer des règles et/ou fonctionnements à l’ensemble d’un groupe d’enfants. Les courants de l’Éducation nouvelle et la psychanalyse ont ancré dans l’animation l’idée que l’autorité n’est ni violente, ni imposée, mais plutôt éducative et que la coopération permet une autorité collective.

Dans l’animation, l’autorité est basée sur un équilibre fragile entre liberté et contraintes. Les principaux outils permettant de l’exercer sont la sanction éducative, le jeu et la réprimande. Les responsables définissent le cadre, les jeux et les sanctions, que les animateur·ices ont la charge de faire appliquer, de mettre en œuvre. En cas de problème, l’animateur·ice réprimande. Si le problème perdure, la direction est sollicitée. Ce qui construit une hiérarchie, une gradation dans les sanctions et réduit l’autorité à une forme d’obéissance.

Pourtant, dans l’histoire de l’animation, d’autres formes d’autorité ont été développées :

  • des colos où les règles et leur application sont décidées par les enfants eux-mêmes. L’adulte est alors le garant du fonctionnement et l’égal des enfants (pédagogies de la décision) ;
  • des colos où la règle est la libre circulation, où le groupe n’existe pas. L’adulte est alors celui qui accompagne et prend soin des enfants (pédagogie de la liberté) ;
  • des colos où le tribunal tenu par les enfants eux-mêmes permet de sanctionner adultes et enfants en cas de manquement à une règle (pédagogie institutionnelle).

Analyse

L'autorité… cet outil magique qui ne marche pas !

Dès lors que l’on parle d’école, des quartiers populaires, des jeunesses, des familles monoparentales, le débat bascule rapidement vers la question de l’autorité, comme si toutes les questions d’éducation, d’apprentissage, de faire ensemble société ou famille se réduisaient à l’idée qu’il fallait contraindre les enfants et les jeunes à faire, à écouter, à se rendre à, à accepter…

Il semble que tous les maux des structures éducatives se réduisent à l’idée que les enfants et les jeunes n’acceptent pas les règles et les décisions qui sont prises pour eux par d’autres, qu’ils n’acceptent pas que les enseignants, les policiers, les animateurs, les éducateurs décident pour eux ce qui est bon pour eux et qu’ils leur demandent d’appliquer ces décisions rapidement et sans sourciller.

L’autorité serait donc cet objet magique qui permettrait de tout faire faire à des enfants ou des jeunes, de répondre aux difficultés rencontrées et qui ferait que tout fonctionne bien et sans incident. L’autorité comme outil magique…

Dans un texte assez complexe, L’autorité ne passera pas…, Jean Houssaye explique que le concept d’autorité pose problème qu’on le regarde d’un point de vue théorique ou pratique. Il montre que définir théoriquement l’autorité est compliqué et que bien vite le concept montre de grandes limites. Il rappelle ce que tout praticien sait : l’autorité a toujours des ratés, il y a toujours un enfant qui ne va pas respecter la consigne, l’ordre ou la contrainte. Dans un autre texte, il oppose autorité et éducation, il reprend les mêmes arguments et montre que si l’éducateur, l’animateur souhaite éduquer un enfant, l’autorité n’est pas l’outil qui permet de le faire. Pour Jean Houssaye, c’est l’autorité et sa quête permanente qui pose problème. Elle n’est pas l’objet magique mais bien la source des problèmes.

Des règles et des outils créés par les adultes…

Si les règles caractérisent toutes institutions, notamment les collectivités enfantines, avant de vouloir « faire respecter », il semble nécessaire de se poser des questions sur la construction de ces règles. Qui les définit ? Qui permet leur application ? Ces règles se limitent-elles à des interdits ? Autant de questions que les pédagogues de l’Éducation nouvelle se sont posées, et que nous avons oubliées dans nos centres de loisirs et nos colos ? Nos accueils collectifs de mineurs sont construits comme des institutions totales (au sens d'Erving Goffman). Les adultes, de l’organisateur (mairie, association ou société) aux animateur·ices, décident de tout et sont chargés de « faire respecter » les règles, les activités, les cadres, les règlements, etc. Pour cela, ces adultes disposent d’outils : sanctions (et pas punitions… quoi que !), exclusions temporaires ou définitives, interdictions (d’inscription), convocations (des parents), etc.

Et pourtant, les choses ne vont toujours pas. Alors, les uns demandent plus d’autorité, sous-entendu plus de pouvoirs pour contraindre, les autres demandent d’être dégagés de la question, « nous ne sommes pas éducateurs, on ne peut pas accepter cet enfant », et des troisièmes demandent à être formés à une autorité douce, contraindre mais sans que l’enfant s’en rende compte…

… à des outils pédagogiques qui permettent à tous de vivre ensemble

Bref, que l’outil soit un concept ou un outil, l’autorité pose problème. Faut-il rappeler que la notion d’autorité dans les institutions enfantines s’est construite dans d’autres temps ? L’autorité était alors paternelle, patronale, sacerdotale ou militaire, c’est-à-dire masculine et sans discussion ou échange possible. L’autorité était alors synonyme d’asservissement et c’est bien cela que refusaient les premier·es pédagogues des colos en parlant de self-governement. Korczak, Freinet ou Robin travaillent sur les liens entre organisations générales de l’institution enfantine et autorité, non pas de l’adulte, mais des personnes vivant dans l’institution. Korczak, qui commence sa réflexion pédagogique dans des colos, construit minutieusement des règles et des autorisations, des interdits et des droits, des outils et des principes permettant à chacun de construire les règles communes et de les faire appliquer. Les enfants des colos des institutions korczakiennes pouvaient demander qu’un adulte soit présenté devant le tribunal puis sanctionné, les outils pédagogiques permettent de mettre à distance les conflits ou les comportements pulsionnels (cahiers de râlage, petites annonces, etc.). L’adulte n’est pas au centre de l’organisation, il n’est plus celui qui décide de tout, qui sanctionne, punit, prive, réprimande, interdit ou exclu. Il est le garant que l’institution « colonie de vacances » permet à chacun d’y vivre. L’adulte vit avec les enfants.

Il est intéressant de regarder le document « Parole, l’héritage Dolto », qui montre le fonctionnement des différents outils pédagogiques dans un foyer de l’enfance école qui utilise la pédagogie institutionnelle et les outils korczakiens. On y croise d’ailleurs Sébastien Pesce, qui reprendra cette forme pédagogique en colo et en écrira un article : La Colo Provisoire : la prise de décision collective en centre de vacances pour adolescents.

Les colos et les centres de loisirs ont oublié ces courants pédagogiques qui sont pourtant à l’origine des colos. Certains diront : « oui mais les enfants ont changé, ils sont plus si ou moins cela ». Certes mais les outils peuvent changer eux aussi, les pédagogies se travaillent et s’adaptent aux enfants. Et puis il est sans doute possible de construire de nouvelles formes pédagogiques. Mais pour cela, il est indispensable de sortir des outils magiques, censés régler tous les problèmes et fonctionner pour tous, tout le temps et quelles que soient les situations. L’autorité est de ceux-là.

Pour aller plus loin

Vidéos

Articles et livres

 

Métier

Titre :
L’autorité, un concept à questionner en permanence
Auteur :
Jean-Michel Bocquet
Publication :
20 janvier 2025
Source :
https://www.jdanimation.fr/node/2670
Droits :
© Martin Média / Le Journal de l'Animation

Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire.

©2023 Martin Média - Tous droits réservés 
Les contenus, vidéos, infographies et photographies de ce site ne peuvent être utilisés sans autorisation. 
Conception graphique et développement du site : Metropolitan Neo