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Évasion-Handicap-Famille : un temps de répit avec son enfant handicapé, c’est possible !

Chapo

L’UFCV et VVF, deux associations d’éducation populaire qui conviennent d’un partenariat pour proposer un accueil de familles avec leur enfant porteur de handicap, voilà une initiative peu ordinaire. Si vous n’avez jamais entendu parler d’Évasion-Handicap-Famille, ce n’est pas étonnant, le dispositif étant récent. Récit d’une belle aventure.

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Océane Oras est bien placée pour savoir comment fonctionne le dispositif Évasion-Handicap-Famille. Animatrice et éducatrice spécialisée en formation, elle a encadré Aline, adolescente de 13 ans souffrant de troubles du spectre autistique, en octobre 2023. Ayant déjà une expérience du polyhandicap, elle appréhendait néanmoins de se retrouver seule sans l’appui d’une équipe (à la différence de l’été où les animateurs sont deux pour trois enfants) et de côtoyer la mère et la grand-mère de la jeune fille qui auraient pu se montrer intrusives. Il n’en a rien été. « Une grande complicité s’est tissée avec Aline. Elle demandait beaucoup d’attention et ne supportait pas la frustration. Mais j’ai su m’adapter », explique-t-elle. La météo n’étant pas favorable, les sorties extérieures ont été limitées au profit des activités d’intérieur, le kit de jeux et d’animation proposé par l’UFCV étant particulièrement investi.

Il y a eu beaucoup d’échanges avec la famille. Mais chacun a su rester à sa place. « J’ai bien senti qu’il fallait rassurer autant les parents que l’enfant et me faire accepter de part et d’autre pour bien travailler. Cette confiance que j’ai gagnée a permis à Aline et à ses proches de garder leurs distances quand nous nous trouvions dans la même salle d’activité. Elles ont accepté qu’il y ait un temps pour qu’elles soient ensemble et un temps pour que je sois seule avec Aline ». La prise en charge était programmée de 10 h à 18 h 30, l’adolescente mangeant sur l’heure de midi avec ses proches, à leur demande.

Vivre l’inclusion

Du fait du ratio un adulte pour un enfant, une relation d’exclusivité s’instaure. Quand Océane a rejoint le club ado du village vacances avec Aline, elle craignait des réactions plus ou moins hostiles. Elle ne s’attendait pas à un accueil si chaleureux de la part des animateurs et des jeunes présents. Aline a aussitôt été intégrée. La semaine s’est déroulée sans incident, sauf au moment des dernières heures du séjour. La difficulté à vivre les transitions crée beaucoup d’angoisse chez Aline. Sa colère a surpris tout le monde, l’adolescente retournant une table et jetant à terre tout ce qui était à sa portée.

S’écartant d’abord pour laisser Océane apaiser la jeune fille, le groupe a fini par l’entourer, l’épisode mouvementé se terminant par de gros câlins. Marques d’affection qu’elle avait dû apprendre à gérer, ne pouvant pas prendre ses pairs dans ses bras à tout moment, sans leur consentement. « La bienveillance et la compréhension du groupe d’ados ont vraiment été exceptionnels », constate Océane, ravie de cette expérience hors du commun qui n’a fait que confirmer son choix de travailler professionnellement avec ce public, une fois son diplôme obtenu. 

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Les précurseurs 

Le moment est venu de remonter en arrière et de décrire comment ce dispositif a pris naissance. Commençons par cette UFCV (Union française des centres de vacances) qui, dès sa création en1907, s’inscrit dans la vocation d’« agir pour les plus démunis ». Son ralliement en 1970 au champ de l’éducation populaire la conforte dans l’accueil des publics différents. En 1981, elle organise ses premiers séjours de vacances pour des adultes en situation de handicap mental. Depuis plus de quarante ans, ce n’est pas moins de 6 000 vacanciers qui fréquentent ainsi chaque année son secteur des « séjours adaptés » dans l’une des 500 destinations proposées.

En 2019, quelques familles émettent le souhait de partir en vacances avec leurs enfants en situation de handicap. Mais le projet éducatif de l’association a toujours privilégié l’accueil de la personne avec handicap dans un lieu d’émancipation, en dehors de ses parents. Il ne va donc pas dans ce sens. Tout change avec le colloque des 29 et 30 octobre 2019 « Le tourisme adapté de demain : évolutions et perspectives ». Sébastien Bort, responsable national des vacances adaptées à l’UFCV, y présente l’enquête qu’il a menée auprès des partenaires institutionnels du secteur du handicap. « Le résultat que nous avons obtenu est alors particulièrement instructif : sur les 30 000 adultes résidents des établissements consultés, 50 % ne partent jamais en vacances, 25 % restent dans leur famille et 22 % seulement fréquentent un séjour adapté. La conclusion qui s’impose est claire : 75 % chez les adultes porteurs de handicap ne partent pas en vacances ! Que fait-on, face à cela ? »

Un partenariat fécond

La perspective d’un accueil « familial » a alors commencé à émerger. L’UFCV possède une solide expérience dans l’organisation des séjours collectifs. Elle sait appréhender différentes formes de déficiences et s’y adapter. Elle dispose d’un vivier de 1 700 à 2 000 animatrices et animateurs sensibilisés à ce public. La seule chose qui lui manque, ce sont des espaces dédiés à l’accueil de familles entières. Il lui fallait se tourner vers un partenaire en capacité de répondre à ce besoin. Ce fut l’association VVF (Villages Vacances Familles). « La forme juridique depuis notre création en 1956 s’inscrit volontairement dans le non-lucratif : ici pas d’actionnaires à qui verser des dividendes à partir des bénéfices réalisés », explique Serge Bruot, directeur adjoint de VVF. 

Ce fleuron du secteur de l’économie sociale et solidaire a depuis longtemps adopté des pratiques de solidarité. Les familles paient leur séjour en fonction de leur quotient d’imposition fiscale. L’association a choisi délibérément certaines de ses implantations dans des régions réputées peu attractives pour le tourisme et ne fonctionne qu’en demi-pension ou location, incitant les vacanciers à fréquenter commerces et restaurants alentours. Elle contribue ainsi au développement des territoires. Le troisième engagement statutaire tient dans l’accueil ouvert à tous publics. Cette ouverture à la différence ne pouvait que favoriser l’adhésion au projet de l’UFCV. 

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Les enfants bénéficient d'un accompagnement individualisé et adapté à leurs besoins..
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Les enfants bénéficient d'un accompagnement individualisé et adapté à leurs besoins.
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La persévérance paie

Quelques jours avant le premier confinement de 2020, une première rencontre a eu lieu entre les deux associations. Il n’y a pas eu besoin de longues négociations. Les deux partenaires sont tombés immédiatement d’accord pour concrétiser ce qui devint alors Évasion-Handicap-Famille.

Le projet a été suspendu le temps du covid et a repris aussitôt que l’épidémie s’est éloignée. Depuis, il a pris son rythme de croisière. Jusqu’où l’UFCV et VVF sont-elles prêtes à aller ? « Il ne tiendrait qu’à moi, tous nos villages pourraient accueillir cinq ou six familles », répond sans hésitation Serge Brunot. Sébastien Bort reste plus prudent : « Tous les équipements ne sont pas adaptés pour accueillir toutes les formes de déficiences. » La typologie des handicaps pris en charge se répartit, comme dans le dispositif des séjours collectifs adaptés, entre la déficience intellectuelle, le polyhandicap et le trouble du spectre autistique. Chaque handicap ayant ses spécificités, il faut tantôt permettre aux familles de s’isoler, tantôt garantir les adaptations adéquates aux mobilités réduites sur l’ensemble du village. Une nouvelle équipe VVF se propose d’accueillir à son tour ? Une visite est organisée sur place pour mesurer la faisabilité. Et c’est conjointement que les deux associations décident de rajouter ou non cette destination au catalogue.

Le volontarisme militant affiché par l’UFCV se confronte toutefois à un modèle économique onéreux et chronophage, qui nécessite de trouver son équilibre. « Notre atout principal est de pouvoir répartir la charge de travail. Si les inscriptions sont centralisées, ce sont les délégations régionales qui recrutent les personnels localement et assurent le soutien aux équipes. Un cadre UFVC peut ainsi se déplacer en une heure sur place, en cas de nécessité. », continue Sébastien Bort. 

Du côté des parents

Le tour d’horizon ne serait pas complet si l’on ne prenait pas la température auprès des familles. Ce temps qui leur est proposé pour souffler constitue indéniablement un plus (voir encadré). Pour l’instant, il n’y a jamais eu de liste d’attente. C’est plutôt les candidatures qui s’annulent parfois. Des familles renoncent au dernier moment, appréhendant le changement d’habitudes, la confrontation à l’inconnu, le déplacement jusqu’au village. 

Les résultats obtenus depuis trois ans ne peuvent qu’encourager les deux associations à poursuivre leur fertile partenariat. En 2021, Évasion-Handicap-Famille a commencé avec quinze les familles. Elles seront 150 au cours de l’été 2024, ce qui représente 600 bénéficiaires. C’est là une goutte d’eau par rapport aux 650 000 familles qui pourraient potentiellement être intéressées. Mais la pompe a été amorcée, grâce à l’enthousiasme et à la conviction de tous les niveaux de deux associations depuis les conseils d’administration jusqu’aux équipes de terrain, en passant par les directions et les cadres intermédiaires. Ils mettront tout en œuvre pour qu’elle ne se désamorce pas.

Bilan contrasté

La famille Schmidt a été l'une des premières à essuyer les plâtres avec leur fille Lucie souffrant du syndrome d'Ehlers-Danlos. « Nous sommes des fidèles de VVF depuis 25 ans. Nos expériences à Évasion-Handicap-Famille ont été positives. Les animatrices ont parfois été formidables, d’autres fois moins. Nous avons apprécié ce répit. Nous avons pu échanger avec des familles d’autres enfants handicapés. Mais d’autres nous ont fuis, cherchant surtout à se débarrasser de leur enfant. Cette année, nous ne pouvons plus en profiter, car chaque famille a droit à trois années de suite. Nous louons un appartement adapté à la mobilité réduite, toujours à VVF », explique Madame Schmidt. Elle a conseillé ce dispositif autour d’elle. Mais quand cette maman pointe le surcoût de 790 € la semaine (hors aides) pour en bénéficier, on ne peut que constater un trou dans la raquette de la solidarité nationale. 

Pour en savoir plus

Pour plus d'informations sur le dispositif Évasion-Handicap-Famille, rendez-vous sur le site dédié.

 

Métier
Projets d'animation
Formats

Titre :
Évasion-Handicap-Famille : un temps de répit avec son enfant handicapé, c’est possible !
Auteur :
Jacques Trémintin
Publication :
3 juillet 2024
Source :
https://www.jdanimation.fr/node/2360
Droits :
© Martin Média / Le Journal de l'Animation

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