Fashion victim à quel coût ?
La « fast fashion » entraîne dans son tourbillon les travailleurs des champs de coton, des usines de confection et les consommateurs. Face à cette hérésie écologique, économique et sociétale, il y a urgence à (ré)agir en citoyen éclairé et responsable.
S’il existe un vêtement emblématique de la mode, c’est bien le tee-shirt, le petit « basic » des dressings, pour tous les sexes et tous les âges, en coton, la matière « star » de nos placards. En 2021, selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), 24,7 millions de tonnes de coton ont été absorbées par l’industrie textile mondiale.
Une industrie délétère pour l’environnement (usage de pesticides, exploitation d’eau douce en très grande quantité, produits toxiques de teinture) et les droits de l’homme (un million de travailleurs sont forcés à travailler dans les champs en Ouzbékistan, un pays autoritaire, sixième producteur mondial de coton).
Mode jetable
Cette petite pièce de tissu, pourtant si anodine, peu chère, que l’on collectionne, que l’on achète sur un coup de tête, que l’on jette au gré de la mode et de son humeur, incarne à elle seule la « fast fashion », cette « mode rapide », qui est à la mode ce que le « fast food » (« nourriture rapide ») est à la gastronomie : « La fast fashion désigne une tendance très répandue dans l’industrie de la mode reposant sur un renouvellement ultra-rapide des collections. S’appuyant sur un rythme de production effréné et insoutenable, certaines enseignes de prêt-à-porter vont jusqu’à renouveler leurs collections toutes les deux semaines, voire moins. Cette mode “jetable” produite à moindre coût a des conséquences sociales et environnementales désastreuses », souligne l’ONG Oxfam France.
Nous avons tellement de tee-shirts que nos placards débordent ; mais que deviennent-ils une fois que nous les rebutons à la poubelle ? Sont-ils recyclés et réutilisés pour fabriquer de nouveaux tee-shirts, créant une sorte de boucle vertueuse ?
Avec beaucoup de sincérité, bon nombre pense qu’ils sont recyclés. Or, ils finissent souvent « échouées sur une plage d’Afrique ». En effet, selon M. et Mme Recyclage, un bureau d’études spécialisé dans l’accompagnement et la formation autour du recyclage et du réemploi, « tous les tee-shirts ne sont pas jetés dans les bornes de recyclage, seul 1/3 » y atterrit, mais pour « faire majoritairement de l’isolant, et non du textile. Les 2/3 restants sont revendus sur le marché de l’occasion. 5 % sont revendus ou donnés en France. Le reste est exporté majoritairement en Afrique », où il est abandonné en décharge ou dans la nature.
La fast fashion en quelques chiffres
- 100 milliards de vêtements sont vendus chaque année dans le monde.
- 4 % de l’eau potable disponible dans le monde est utilisée pour produire des vêtements.
- La quantité d’eau nécessaire pour fabriquer un tee-shirt équivaut à quatre douches, soit plus de 5 000 l par kg (il faut 500 l d’eau pour produire 1 kg de blé).
- Sur un tee-shirt vendu à 29 €, les travailleurs au Bangladesh ne gagnent que 18 centimes.
- Les émissions générées par l’industrie textile (vêtements et chaussures) correspondent à 4 milliards de tonnes d’équivalent CO2 par an.
- Un achat en ligne émet en moyenne 12 g de CO2 soit l’équivalent d’1 km en voiture.
- 1 million de colis sont livrés par jour (avec au moins autant d’emballages).
- Moins de 1 % des fibres utilisées pour produire des vêtements est recyclé en vêtements neufs.
- 64 % des vêtements qui peuvent encore être portés sont jetés.
- 73 % des textiles jetés sont enfouis ou incinérés, et seulement moins d’1 % est recyclé en nouveaux vêtements.
Sources : Guide de résistance à la fast-fashion, Zéro Waste France ; Ademe, M. & Mme Recyclage, Fondation Ellen McArthur.
Agir à son échelle
Que faire, alors, à l’échelle de simples consommateurs, pour réduire cet impact écologique, environnemental et humain de nos tee-shirts ? On peut adopter des gestes de bon sens, comme ne pas changer de tee-shirt à chaque nouvelle saison ; jongler entre achat de vêtements d’occasion et neufs ; favoriser les produits neufs locaux ou bio (lin, chanvre, coton) ; louer des vêtements pour une soirée, par exemple…
Des organisations comme Emmaüs France, Zero Waste, Les Amis de la Terre se mobilisent et proposent des campagnes grand public ou des défis pour sensibiliser et inviter les personnes à agir contre la fast fashion (voir nos ressources en ligne).
Une loi pour réguler
Au niveau politique, aussi, des combats aboutissent : le 4 mars 2024, une proposition de loi visant à pénaliser la fast fashion a été examinée en commission à l’Assemblée nationale, avant d’être officiellement adoptée le 14 mars. Un texte qui ambitionne, notamment, d’instaurer un malus sur les produits concernés (10 € par article vendu, dans la limite de 50 % du prix de vente) ; de moduler « l’éco-contribution » en fonction de l’impact environnemental des entreprises concernées ; d’interdire la publicité aux plateformes de vente en ligne de vêtements à bas coût.
Si le texte doit encore passer par le Sénat, son application demeure suspendue à la précision chiffrée des seuils au-delà desquels une entreprise sera considérée comme appartenant ou non au secteur de la fast fashion. Cette décision devrait être rendue par décret du gouvernement dans les mois à venir. À suivre…
- Titre :
- Fashion victim à quel coût ?
- Auteur :
- Isabelle Wackenier
- Publication :
- 23 novembre 2024
- Source :
- https://www.jdanimation.fr/node/2417
- Droits :
- © Martin Média / Le Journal de l'Animation
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