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Sortir les réunions de la monotonie : une question d’outils ou de posture ?

Chapo

La réunion est un moment indispensable à la vie d’équipe. Elle n’est cependant pas forcément facile à vivre, à concevoir, à animer. De nombreux professionnels la redoutent, ou s’y ennuient. De nombreux cadres cherchent des manières de faire de ce moment un vrai temps de coopération, en sortant d’une monotonie parfois décourageante.

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Il est malheureusement rare aujourd’hui d’entendre des professionnels se réjouir d’aller en réunion. Cela arrive, néanmoins, et dans ces cas nous sommes curieux de connaître les ingrédients qui font la réussite de ce moment… indispensable. Indispensable, oui. Il nous importe de « défendre » ce moment, qui, entre constats d’échecs et recours au télétravail, est régulièrement écarté de la vie collective professionnelle.

Il est parfois tentant de se débarrasser d’un outil de travail dont on ne sait plus se servir, et de le remplacer par, notamment, des outils technologiques qui promettent de l’efficacité : mails, messages instantanés, etc. Las, l’expérience montre les limites d’une organisation où les professionnels ne se réunissent plus. Ceci est d’autant plus vrai dans le métier de l’animation, qui est par essence un métier du collectif.

À quoi servent les réunions ?

La première utilité de la réunion pourrait être de savoir vivre le collectif, se parler, construire ensemble. Ce sont des choses que l’on attend de professionnels de l’animation. Ceci est une évidence : les animateurs sont par essence des acteurs experts du collectif. S’ils ne le sont pas, il est utile qu’ils le deviennent. Nombre de compétences professionnelles des animateurs sont en fait des prolongations de compétences sociales, lesquelles sont observables dans le quotidien de l’animateur, y compris naturellement en dehors des activités en contact avec les enfants. On pourrait dresser la liste ici de tout ce qu’une réunion peut permettre de faire, elle serait infinie : dès lors que des personnes savent travailler ensemble, elles peuvent tout imaginer.

Dès lors, l’intérêt d’une réunion réside avant tout dans son processus, quel que soit son contenu. La différence entre le contenu et le processus peut être nommée comme ceci : le contenu, c’est le quoi de la réunion (de quoi on parle ?), le processus est davantage le comment (qui parle, quelle méthode de travail ?).

Une réunion permet notamment de nourrir ce que la Théorie organisationnelle de Berne appelle l’imago de groupe. Ce terme au léger parfum de jargon désigne en quelque sorte l’ensemble des images que chacun a du groupe. On dit que l’imago est ajustée quand l’ensemble des membres du groupe ont une représentation commune du groupe auquel ils appartiennent. Cette représentation contient la composition de l’équipe (c’est-à-dire l’ensemble des membres), les rôles de chacun, les attentes, contraintes et apports de chacun, le but commun… Plus on passe de temps en tant que membre d’une équipe, plus fine est notre connaissance de tous ces aspects. Quand l’imago est ajustée, le groupe est plus efficient dans la mise en œuvre de ses activités. On voit bien que, même si le sujet de la réunion n’est pas l’imago, le simple fait de faire des choses ensemble, de discuter, permet de la nourrir.

Paragraphes

Les ingrédients fondamentaux pour une réunion réussie

• Une écoute véritable.

• Une intention claire.

• Une durée maîtrisée.

• Une utilité éprouvée.

• Et… une dose de convivialité !

Une deuxième utilité fondamentale est pour nous l’idée de « miroir » : l’équipe est un collectif au service d’un collectif. Comment comprendre et animer des collectifs si les membres de l’équipe ont renoncé aux réunions ? Comment se sentir réellement en position de savoir animer un groupe si on n’a pas réglé les problèmes qui nous permettent de travailler ensemble ? Il y a une sorte d’évidence : les professionnels qui savent vivre en groupe ont une force dans le travail d’animation qui peut faire défaut à ceux qui sont en difficulté au sein de leurs équipes. On pourra objecter que « ce n’est pas pareil » : animer un groupe d’enfants et appartenir à une équipe, non ce n’est pas pareil. En revanche, trouver l’énergie pour résoudre les problèmes qui empêchent des humains de faire ensemble, investiguer, explorer, se tromper, comprendre sa propre part, se débarrasser des jugements et autres attributions… sont des savoir-être qui s’expriment à tous les endroits, à tous les niveaux. La réunion est donc un espace précieux où se forge une sorte de capacité collective à travailler ensemble, et cette capacité sera un bon carburant pour les animateurs sur le terrain.

Pourquoi rechercher « de la participation » ?

Que ce soit pour des principes de gouvernance, pour une recherche d’efficacité, de rythme, ou de faire une réunion « vivante », nombreux sont les animateurs de réunions (souvent les directions) qui cherchent à faire participer les membres de l’équipe, d’une manière ou d’une autre.

De notre point de vue, ceci, en plus de servir tous les avantages nommés ci-dessus, peut amener les éléments suivants :

favoriser le fait que chacun soit porteur des propositions et des décisions ; en effet, quand les personnes participent à l’élaboration d’un point de vue, elles peuvent plus facilement se reconnaître dans ce point de vue. Elles n’ont pas, dès lors, besoin de porter le point de vue de quelqu’un d’autre, ce qui requiert une énergie particulière. Elles peuvent porter le point de vue collectif parce qu’il contient le leur.

enrichir les options lorsque l’on cherche à résoudre un problème ; un des éléments qui permet de résoudre un problème, quel qu’il soit, est de disposer d’options. Plus il y en a, plus on peut sentir, avant même de les mettre en œuvre, que le problème est en train d’être dépassé. Le fait de réfléchir à plusieurs permet, régulièrement, de multiplier les options.

pour se forcer, en débattant, à approfondir la réflexion ; en effet, même si parfois, on peut avoir l’impression que le débat prend du temps, il a l’avantage de nous permettre de remettre en cause des évidences, et ainsi de nous renouveler.

pour le sentiment de reconnaissance de chacun ; la reconnaissance est une nourriture psychologique que nous venons chercher au travail. En effet, être considéré·e comme un·e professionnel·le compétent·e est nécessaire pour se sentir plutôt bien au travail. Le fait de travailler dans une atmosphère participative permet de faire grandir ce sentiment d’être compétent et utile.

Quand la réunion devient ennui et routine

Après avoir dit que les réunions sont utiles et que la participation est utile aussi, nous allons maintenant regarder ce qui peut, malgré les efforts fournis par ceux qui les préparent, leur donner un goût de routine, voire d’ennui ou de désagrément.

Dans le métier de l’animation, il n’est pas rare de voir que des cadres, ayant pratiqué l’animation, cherchent des outils pour animer les réunions. Nous y voyons une sorte de décalque de la posture de l’animateur qui cherche de nouveaux outils pour animer ses groupes d’enfants. Cependant, on entend régulièrement que malgré cet outillage, ils peinent à obtenir une réelle participation.

Dans l’animation, on le sait tous, l’outil magique n’existe pas. C’est la manière dont on fait vivre l’outil qui le rend puissant, opérant ou creux. Cette manière, souvent spontanée, n’est pas toujours conscientisée. Nous parlons ici de posture. Ceci est plus délicat à mettre au travail. Car cela va parler de comportement, de communication, de qualité de présence, de qualité d’écoute, d’intérêt réel à l’autre et à son point de vue, de capacité à mettre la pression à distance… autant de choses qui sont parfois difficiles à quantifier.

Nous allons donc donner quelques éléments pour tenter d’objectiver cette question. Un premier aperçu d’une phrase souvent entendue : « Les animateurs se plaignent que je ne les écoute pas, mais franchement ce qu’ils disent, ce n’est pas souvent intéressant, et puis ça nous fait perdre du temps. »

Les freins à la participation

Voyons donc l’effet d’une posture inappropriée, à travers l’expression des freins à la participation, dont voici quelques exemples :

Des informations descendantes. Dans de nombreux systèmes, notamment des collectivités, on entend qu’il y a tellement d’informations à faire descendre, qu’on est obligé de consacrer l’essentiel des réunions à ça. Ce n’est souvent pas de gaieté de cœur, on entend une sorte de résignation à ce sujet. Pourtant, quand on regarde de plus près, il n’est pas rare de constater que dans la masse des informations descendantes et descendues, une part est oubliée tout de suite, une autre pourrait être mise à disposition autrement. En quelques minutes, on se rend compte que cette « descente d’informations » n’est pas si nécessaire que ce que l’on croit, comme si… elle était aussi un prétexte à ne pas se risquer à des réunions trop ouvertes ;

Pas de suite constructives. En général, les paroles préparent des actes, de manière plus ou moins immédiate, plus ou moins directe. Cependant, dans certaines équipes, les paroles n’engagent pas, ou ne donnent pas le sentiment d’avoir des conséquences directes. Alors, il est facile de se désintéresser de ce genre de parole.

Un semblant d’écoute. Il s’agit là d’une attitude courante, qui n’est ni malsaine ni méchante. L’espace d’écoute a l’air ouvert mais en réalité il s’opère un tri, presque inconscient : la personne qui anime la réunion a en fait une idée plus ou moins claire de ce qui est utile à dire et filtre presque sans le savoir. Les personnes qui participent, elles, le voient bien. Elles finissent par penser que leur parole n’est finalement pas si écoutée que ça, même si les outils sont apparemment faits pour ça.

Trop de structure. La réunion est hyper préparée, tous les attendus sont nommés. D’un côté, cette structure soutient et clarifie, d’un autre elle étouffe : chacun doit se mettre dans le moule qui lui est proposé, et trouver le moyen d’y glisser sa parole. C’est un exercice difficile, qui peut faire ressentir une forme d’étouffement. Ceci est vrai aussi pour les animateurs, quand ils mettent beaucoup de pression à un groupe d’enfants pour faire quelque chose, alors que les enfants ont manifestement besoin de ne rien faire de défini.

Pas assez de structure. Ici, on est dans la situation inverse. Il n’y a pas assez de structure, donc on ne sait pas vraiment de quoi on parle, pourquoi, ce qui sera fait de ce qui se dit, etc. L’impression de ne servir à rien est au bout de ce processus : on parle, mais on ne fait rien.

Rôles figés. Une équipe est un processus vivant. Ainsi, d’une réunion à l’autre, il est utile et intéressant de voir qui va y dire quoi, et que ceci puisse changer. La monotonie engendre la monotonie : chacun vient s’assoir à sa place et répéter, à chaque réunion, le même genre de posture.

Confusion dans la nature de la réunion (est-ce une réunion pour décider, pour réfléchir, pour produire, pour faire circuler de l’info ?). De nombreuses fois, nous avons pu constater qu’il y avait en quelque sorte « tromperie sur la marchandise ». Les personnes viennent pour décider mais rien ne se décide, ou au contraire elles viennent pour réfléchir à un sujet et on les presse de prendre une décision.

Perte de confiance en la parole. Un sentiment parfois que la parole n’est pas assez qualitative, que certains points de vue ne sont pas précisés. Il arrive aussi que des sujets soient soigneusement évités, ce qui fait craindre que les mots prononcés ne soient là que pour masquer le fait que les sujets importants ne seront pas abordés.

Une autre difficulté, que nous côtoyons très régulièrement, est le turnover des équipes. Les « anciens » semblent maîtriser le mode d’emploi de l’équipe et de la réunion, et ils doivent prendre le temps d’intégrer des nouveaux. Ce travail d’intégration est possible quand il ne revient pas trop souvent. En effet, pour que le groupe soit groupe, il est nécessaire que chaque personne ait pris le temps de s’intégrer. Cette intégration repose en partie sur les membres de l’équipe. Parfois, ceux-ci sont fatigués d’un turnover trop rapide et trop constant, et ceci a une conséquence directe sur le manque d’investissement dans le collectif : pourquoi s’investir et tisser des liens puisque les personnes risquent de repartir ?

Des solutions ?

Chaque frein est évoqué de manière à montrer le chemin de sa résolution. Par exemple, si la nature de la réunion n’est pas claire, il convient de la clarifier. Il n’est pas forcément simple de le faire, parce que clarifier ne signifie pas simplifier. Parfois, les attentes peuvent être à la fois de faire circuler de l’information, de réfléchir, de décider.

En synthèse, pour retrouver des réunions intéressantes et utiles en même temps, il convient d’interroger les fondements de la réunion (objectifs, durée, contenus, périodicité) pour commencer par procéder des ajustements à ces endroits (par exemple, scinder une réunion en deux) ; ensuite, analyser le processus pour voir en quoi il permet ou freine la participation et le plaisir de se réunir. Une bonne idée peut être d’organiser une réunion à propos de « comment vivons-nous nos réunions ? », sans craindre de regarder très objectivement ce qui s’y passe, voire en inventoriant les outils utilisés (ou constater l’absence d’outils) et évaluer leurs pertinences et impacts.

En guise de conclusion

Animer une réunion est à la fois une chose banale et complexe, et la manière dont se vivent les réunions parle à la fois de l’état d’esprit de l’équipe que de l’état d’esprit de la personne qui les anime. Il est donc absolument utile de prendre le temps de faire un pas de côté afin d’identifier, au-delà des outils toujours plus nombreux, ce qui, dans le processus collectif, permet ou empêche un bon déroulement des réunions. Pour finir, on a envie de dire, « si vous avez réellement envie de réussir vos réunions, alors l’essentiel est là ». Le reste, c’est écouter les autres et s’ajuster.

Éviter… … mais plutôt 
  • Des réunions trop longues, trop compliquées.
  • Scinder les temps en fonction des objectifs.
  • De concentrer l’animation sur une seule personne.
  • Partager l’animation.
  • Les ordres du jour intenables.
  • Être réaliste pour ne pas engendrer de frustration ou le stress de ne pas avoir le temps de finir.
  • De ramer trop longtemps seul.
  • Poser les choses ensemble : réussir une réunion est une question de co-responsabilité.

Pour aller plus loin

121 outils pour développer le collaboratif, Cyril de Sousa Cardoso et Jean-Christophe Messina, Eyrolles, 22 € (2019)

Leadership organisationnel – Préparer et conduire les réunions organisationnelles, Patrick Girukwayo, Éditions universitaires européennes, 39,90 € (2021)

Métier

Titre :
Sortir les réunions de la monotonie : une question d’outils ou de posture ?
Auteur :
Pascal Mullard
Publication :
23 janvier 2025
Source :
https://www.jdanimation.fr/node/221
Droits :
© Martin Média / Le Journal de l'Animation

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