Uni(qu)e forme
Le retour de l’uniforme à l’école est envisagé en 2026 par Emmanuel Macron. Le Premier ministre Gabriel Attal évoquait déjà en 2018 l’importance de cette tenue unique lorsqu’il a inventé le Service national universel (SNU). Avec un unique argument : celui de faire que tout le monde soit pareil.
Forger une nation et une jeunesse uniformes est un rêve pour tous les conservateurs, les autoritaires et/ou les tyrans de la planète. Il s’agit pour eux de démontrer leur force et leur puissance en rangeant et uniformisant leur peuple. L’uniforme fait plaisir à celui qui l’impose. D’ailleurs l’uniformité des jeunesses existe déjà, il suffit de regarder les cours de récréation des établissements du XVIe arrondissement de Paris ou de Bobigny : l’uniformité est la norme, la ségrégation la règle.
Hormis dans quelques établissements (très rarement publics), la forme pédagogique des écoles est aussi la même partout, la manière de faire cours et de construire la vie à l’école est la même, elle est unique et porte le nom de forme scolaire. Quelques rares enseignants résistent, mais programme, forme, horaires, découpages du temps sont uniformes dans toutes les écoles de France. Seule change la personnalité de l’enseignant et des élèves. Ah, ce facteur humain, si pénible pour les managers et autres gestionnaires…
Dans le périscolaire aussi ?
On se dira qu’heureusement il reste le secteur péri et extrascolaire pour trouver des formes différentes. Il n’en est rien, celui-ci est prisonnier de sa forme scolaire depuis longtemps (1). Là-aussi le modèle pédagogique est identique. Il faut donc s’attendre à voir demain des enfants en uniforme dans les activités périscolaires. Chose qui existe déjà dans le sport où le jogging siglé est la norme ; les tenues d’entraînement aux couleurs du club se généralisent.
Les fédérations d’éducation populaire et les équipes d’animation accepteront-elles que les enfants jouent en uniforme, renforçant l’uniformité et séparant filles et garçons ? Leur silence actuel sur ce débat et leur présence active dans le SNU ne laissent que peu de place à un refus. Comment faire d’ailleurs pour que les enfants puissent venir à l’école avec une deuxième tenue et se changent sur les temps périscolaires ?
La République n’est pas uniforme, l’école ne doit donc pas être de forme unique et les accueils de loisirs doivent rester des lieux où se vivent la différence et les mixités. Ceux qui se construisent des ghettos uniformes pour se protéger rêvent de les imposer aux autres. La République, c’est « Liberté, Égalité Fraternité », pas « Sécurité, Uniformité, Communauté » !
(1) « Le centre de vacances et de loisirs prisonnier de la forme scolaire », Jean Houssaye, dans La revue française de pédagogie n° 125 (1998).
- Titre :
- Uni(qu)e forme
- Auteur :
- Jean-Michel Bocquet
- Publication :
- 21 novembre 2024
- Source :
- https://www.jdanimation.fr/node/2232
- Droits :
- © Martin Média / Le Journal de l'Animation
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