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SNU : stop ou encore après le rapport de la Cour des Comptes ?

Chapo

Après 5 années d’expérimentation, le Service national universel peine toujours autant à mobiliser. Absent des premières attributions du gouvernement Barnier, le SNU poursuivra-t-il sa route à marche forcée ? Il est permis de se le demander, à la lecture du sévère rapport de la Cour des Comptes publié le 13 septembre.

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Capture d'écran d'une vidéo de promotion du Service national universel.
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Capture d'écran d'une vidéo de promotion du Service national universel.
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Des objectifs incertains

Promesse de campagne, mais surtout promesse de jours heureux avec une jeunesse française résiliente, mobilisée et engagée, le Service national universel souffre depuis son démarrage de maux multiples. Son expérimentation, basée sur le volontariat, a souffert d’annonces promettant tantôt une expérience de défense, une aventure collective sur fond de colonie de vacances, voire un stage sportif ou artistique. Les premiers participants, tous volontaires, ont d’ailleurs pleinement profité de ces séjours, sans toujours mettre en œuvre la mission d’intérêt général qui devait suivre.

Dès lors, en 2024, bienheureux qui sait répondre à cette question fondamentale : « à quoi sert le SNU ? ». Ce que n’ont pas manqué de relever les magistrats de la Cour des Comptes dans leur rapport de 67 pages : « plus de cinq années après son démarrage, ses objectifs demeurent incertains et dès lors mal compris par le grand public, en particulier par les jeunes qui en constituent pourtant la cible ».

Une gouvernance introuvable

La deuxième question soulevée par la Cour des Comptes est celle du pilotage du dispositif, qui s’est lancé sans véritable débat parlementaire, d’abord entre les mains des militaires. Rapidement la Défense déclara forfait, ses moyens devant être affectés à des sujets somme toute plus sérieux.

S’en sont suivies des hésitations au plus haut niveau des administrations centrales, le mistigri SNU passant entre les mains de divers responsables jusqu’à la création d’une délégation générale en juin 2023, aujourd’hui orpheline de son secrétaire d’État.

Au niveau local, c’est le flou total, et le rapport de pointer : « La stratégie de mobilisation des acteurs locaux, parmi lesquels les collectivités territoriales et acteurs associatifs du domaine de l’éducation populaire, reste toujours à définir. »

Un coût largement sous-estimé

L’angle budgétaire n’a pas permis non plus aux gardiens des comptes publics de se faire une représentation positive du SNU.

Avec environ 90 000 participants en tout sur les 150 000 projetés, ils constatent que les sommes inscrites au programme 163 de la loi de finances n’ont évidemment pas été toutes consommées. Les dépenses constatées (2 300 euros par jeune) relèvent pour la plupart des séjours de cohésion, ce qui semble signifier que les autres coûts ne sont pas pris en compte.

Selon le calcul de la Cour, il y aurait un écart de 600 euros par jeune (pour arriver donc à 2 900 euros), en raison de la prise en compte insuffisante des coûts supportés par les autres ministères, les forces de sécurité et l’implication des collectivités territoriales. Trop de coûts ne peuvent être quantifiés.

D’autres coûts cachés résultent des difficultés d’organisation des séjours de cohésion, avec de grandes disparités entre les territoires. Les juges relèvent notamment les modalités de gestion de l’acheminement des jeunes, ubuesque. On se souvient que, pour assurer un « brassage », les jeunes devaient participer aux séjours en dehors de leur département d’origine. Qui sait, on parlera peut-être demain des taxis du SNU comme on évoque les taxis de la Marne… 

Un encadrement mal préparé et peu considéré

Si le rapport relève l’engagement sincère des acteurs de terrain, qu’il s’agisse des administrations territoriales ou des associations d’éducation populaire, l’ensemble des observations rejoint hélas les certitudes partagées par les encadrants et que nous avons déjà pu relayer. Toutes les bonnes volontés s’abîment dans l’impréparation due aux recrutements tardifs, à la précarité des contrats CEE et des conditions de travail.

« L’engagement exceptionnel des agents des services centraux comme déconcentrés a permis de faire face à la charge de travail supplémentaire et aux difficultés de mise en œuvre du SNU, mais cette situation anormale n’est pas soutenable dans la durée (…) »

Au moment où l’on parle de généralisation, la Cour s’alarme et recommande : seule « la création de centres d’accueil pérennes (fonctionnant toute l’année), avec des encadrants affectés spécifiquement au SNU, pourrait permettre des économies qui n’ont pas été suffisamment quantifiées ».

Un rapport accablant

Une politique volontariste ne peut pour autant se conduire à marche forcée. Telle pourrait être la conclusion de ce terrible rapport qui, en l’absence de mesures radicales relevant de l’organisation-même de l’État, condamne littéralement le SNU.

« Objectifs incertains », « gouvernance illisible », « coût largement sous-estimé », « situation dégradée des ressources humaines »… Ce ne sont pas des crédits supplémentaires qui peuvent relancer le dispositif. S’il doit l’être, ce sera par des décisions d’organisation qui semblent inimaginables en des temps de disette budgétaire. La Cour estime en effet les coûts de fonctionnement du SNU entre 3,5 et 5 milliards d’euros par an dans une hypothèse de généralisation, sans compter les nécessaires dépenses d’investissement à prévoir notamment au niveau des structures d’accueil des séjours de cohésion.

On le voit clairement, à la lecture de ce rapport, tandis que de nombreux jeunes partagent leurs souvenirs joyeux de leur séjour de cohésion, c’est bien l’engagement des acteurs, et ceux de l’éducation populaire notamment, fonctionnaires et associatifs, qui ont jusqu’ici permis au SNU de sauver la face, dans un climat désolant où règnent précarité et désorganisation.

Paragraphes

Pour lire le rapport

Le rapport intégral publié par la Cour des comptes le 13 septembre 2024, ainsi qu’une synthèse, sont disponibles en ligne ici.

Titre :
SNU : stop ou encore après le rapport de la Cour des Comptes ?
Auteur :
Marc Guidoni
Publication :
6 octobre 2024
Source :
https://www.jdanimation.fr/node/2537
Droits :
© Martin Média / Le Journal de l'Animation

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