Organisations d’éducation populaire : une seule voix contre l’extrême droite
Unies autour de leurs « valeurs fondamentales », les organisations d’éducation populaire appellent à se mobiliser et à voter contre l'extrême droite les 30 juin et 7 juillet prochains, à l’occasion des élections législatives anticipées.
« Les MJC ne peuvent rester silencieuses » (Maisons des jeunes et de la culture), « L’éducation populaire doit faire front pour demain » (Collectif Camps Colos), « Plutôt que le repli et le rejet de l’autre, le choix du commun, toujours » (Fédération des centres sociaux et socioculturels de France), « Avis de tempête : l’heure des choix… Faire front contre l’extrême droite » (Ceméa)… au lendemain de l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République, Emmanuel Macron, à l’issue des élections européennes qui ont placé en tête du scrutin le Rassemblement national (RN), avec 31,37 % des suffrages exprimés, et, au vu du taux d’abstention de 48,51 %, le pays s’est réveillé « dans un état de sidération profonde pour notre démocratie », selon les termes de la Fédération des centres sociaux et socioculturels de France (FCSF).
Pour autant – et les slogans des différents appels en témoignent –, les organisations d’éducation populaire, de l’économie sociale et solidaire ou proches de ces réseaux, associées à un ou des appels collectifs ou en leur nom propre, appellent leurs acteurs à voter, à se mobiliser contre les candidats de l’extrême droite et leurs « idées nauséabondes » et à créer des espaces d’échanges. Certaines diffusent des outils de réflexion ou des informations utiles concernant le scrutin et le vote par procuration. D’autres interpellent ses acteurs à rejoindre le Nouveau Front populaire ou appellent l’éducation populaire à assumer le caractère politique de son projet et de ses actions, voire à le (re)bâtir.
Des valeurs qui rassemblent
Dans un communiqué en date du 12 juin, le Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (Cnajep) « refus[e] de voir l’extrême droite accéder au pouvoir car elle ne fera qu’amplifier [les] fractures en détruisant ce qui reste de notre république démocratique et sociale », mettant en exergue les « valeurs qui nous rassemblent (…) résolument incompatibles avec les idées d’extrême droite ». Le Cnajep signe aussi l’appel « Ensemble contre l’extrême droite » lancé le 12 juin par la Ligue des droits de l’homme (LDH), des syndicats, des associations, des ONG… « pour battre l‘extrême droite (…) et porter ensemble des mesures concrètes de solidarité, d’égalité et de justice » appelant « à la mobilisation citoyenne » en prenant part « à toutes les manifestations organisées partout en France ».
Les élus du Réseau français des villes éducatrices (RFVE) quant à eux appellent à un « sursaut citoyen » : « Les mesures du Rassemblement national vont à l’encontre de tout ce que nos collectivités portent : c’est un système éducatif qui va achever la ségrégation scolaire, et signe la fin de l’école républicaine ». Ils dénoncent une « vision rétrograde de l’éducation, sexiste, qui rejette les enfants d’origine étrangère ».
Hexopée, organisation professionnelle de l’éducation populaire, « appelle à réinscrire la démocratie sociale comme pilier essentiel de notre capacité à faire société, à remettre la République au cœur des branches professionnelles et au sein des entreprises, à redonner le pouvoir d’agir aux femmes et aux hommes dans tous les espaces de leurs vies (…) Favoriser l’esprit critique, la controverse et le goût des autres (…), défendre la Paix, la fraternité et la liberté pour et entre chacun et chacune d’entre nous (…) Seules des forces républicaines de progrès peuvent y répondre. [La vision d’Hexopée] est en tout point incompatible avec l’extrême droite au pouvoir. »
Créer et animer des espaces de débats
Le Cnajep incite les organisations à « [continuer] à animer des espaces de débat et de confrontation d’idées » et propose sur son site un « argumentaire » permettant « de se questionner sur les visions du monde portées par les mouvements d’extrême droite, d’ouvrir des espaces de débats et de formation de l’esprit critique ».
Les Scouts et Guides de France (SGDF), les Maisons de Jeunes et de la Culture proposent aussi une approche pédagogique en offrant « toutes les informations pour aller voter », notamment le vote par procuration. Les SGDF proposent de « [discuter] ensemble des idées, en ne condamnant personne. Écoutons-nous (…) c’est le seul chemin possible pour retisser le lien d’une société où les opinions se polarisent et génèrent trop d’incompréhensions aujourd’hui ». Le mouvement renvoie vers le site gouvernemental du vote par procuration.
Dans la même démarche, Peuple et Culture informe sur le vote par procuration, met en ligne des ressources pour lutter contre l’extrême droite, mais va plus loin en soulignant le « caractère politique » de cette démarche : « Nous devrons mener un travail sur le temps long pour nourrir cet espace de rencontre et de dialogue que sont nos associations d'éducation populaire, prendre en compte la parole des personnes n'ayant pas le droit de vote et avec lesquelles les associations Peuple et Culture travaillent au quotidien et assumer le caractère politique de notre projet associatif et de nos actions culturelles, interculturelles et de formation. »
Repolitiser l’éducation populaire
Le Collectif Camps Colos, regroupement d’associations organisatrices d’ACM, le 13 juin, porte un constat et une analyse sans appel sur la montée de l’extrême droite en France. Il voit dans les scores du RN un « symptôme de l’échec de l’éducation populaire » et appelle « avec force à la construction d'un programme de gouvernement permettant de donner espoir à tous·tes – et surtout à la jeunesse » et en appelle « à une repolitisation de l'éducation populaire, à une repédagogisation de l'action et à des finalités humanistes partagées : care, égalité, émancipation collective. La lutte contre l'extrême droite ne peut gagner qu'en étant avant-gardiste, en améliorant la vie des populations vulnérables et en construisant avec les plus précaires et fragiles les solutions à leurs difficultés ». Ces héritiers de Freinet, Korczak et autres éducateurs ayant lutté contre le fascisme, soulignent que « la première étape est celle de l'union, la seconde de construire un programme, ensuite il faudra le soumettre aux électeurs, en espérant qu'il ne soit pas trop tard ».
Les membres de la branche Éclat (Solidaires, CGT Educ Pop, CFDT Communication Conseil Culture, Unsa, Uspaoc CGT et Hexopée), dans un communiqué du 25 juin, tiennent à « rappeler le sens de [leur] mission, de [leur] travail et par conséquent de [leur] engagement pour l’accès à l’éducation populaire pour toutes et tous ». Ils appellent, « dans la situation de crise politique aiguë que nous traversons, et alors que le risque d'arrivée au pouvoir d'une majorité d'extrême-droite porteuse de divisions et d’intolérance de l'autre n'a jamais été aussi élevé (…) les citoyen·nes et les organisations syndicales d’employeurs et de salarié·es (…) à la mobilisation et à voter massivement les dimanche 30 juin et 7 juillet contre les candidats d’extrême droite et pour des politiques publiques d’émancipation ».
Dans un communiqué du 20 juin, Les Francas, « créés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale », s’ils « n’ont pas l’habitude de donner des indications de vote à leurs adhérents », au regard du contexte inédit de la vie politique et démocratique française, aux noms de leurs valeurs, de leurs actions, de ce qu’ils dénoncent « depuis de nombreuses années » (contrôle de la vie associative, moyens de plus en plus restreints pour l’éducation populaire, atteintes croissantes à l’accueil à la solidarité à l’égard des migrants, etc.), appellent, sans équivoque, à voter pour le Nouveau Front populaire.
Les Ceméa, quant à eux, concluent leur communiqué du 17 juin par une note d’espoir : « Face au danger, nous appelons les Éducateurs à faire front : demain reste à écrire ! »
- Titre :
- Organisations d’éducation populaire : une seule voix contre l’extrême droite
- Auteur :
- Isabelle Wackenier
- Publication :
- 21 novembre 2024
- Source :
- https://www.jdanimation.fr/node/2389
- Droits :
- © Martin Média / Le Journal de l'Animation
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