Pour une éthique de la délicatesse en animation
J’ai invité Martine Janner-Raimondi, professeure émérite en Sciences de l’éducation, à participer à une journée d’étude sur la formation en travail social. Et là, j’ai pris une claque intellectuelle…
Je connais Martine pour avoir lu plusieurs de ses travaux et pour avoir été son collègue. Ce jeudi 24 octobre, son intervention a eu sur moi cet effet que beaucoup ont déjà eu : celui d’écouter une personne parler, parfois de manière complexe, mais en expliquant exactement ce que l’on pense et que l’on n’arrive pas à dire ou à écrire. Le titre de son intervention : « Dimensions d’humilité et d’empathie pour une éthique de la délicatesse ».
Il m’est impossible de résumer cette intervention où l’on croise Latour, Rancière, Gorz, Tronto, Zucman, Abel ou Merleau-Ponty pour les plus connus, où les concepts philosophiques et de sciences humaines sont maniés avec finesse et précision. Écouter Martine (dé)montrer qu’empathie, humilité et délicatesse doivent être au cœur de l’action de la recherche, mais aussi par élargissement au cœur du travail social, est revigorant et enthousiasmant. Et si nos centres de loisirs et nos colonies de vacances suivaient le chemin théorique et personnel construit par Martine ? Et si nos ACM ne se définissaient plus par des objectifs éducatifs descendants, surplombants, mais bien plutôt par une éthique de la délicatesse ?
D’égal à égal
L’éthique de la délicatesse pourrait se définir en animation et dans la suite des travaux de Martine comme ces gestes, postures et réflexions qui se jouent en amont, pendant et après un moment d’animation, exigeant une profonde humilité. Dit autrement, plutôt que de penser pour et/ou sur l’enfant, l’animateur·ice pense, agit, se place dans une relation fondée sur l’empathie et la rencontre d’égal à égal. Sans chercher à plaquer a priori des savoirs sur l’enfant, des enjeux ou des objectifs, l’éthique de la délicatesse conduit avant tout l’animateur·ice à entrer en relation, mais dans une relation empreinte de délicatesse. Et Martine d’insister : « La délicatesse engage ainsi des entrelacs de qualités subtiles de l’ordre du sensible, des relations d’égal à égal, l’exercice d’une pensée réflexive en continu et un esprit de finesse, propres à rendre capable de s’ajuster et de se ré-ajuster in situ ».
Dans nos ACM consuméristes, nos ALSH-garderies, où nos colos-casernes, l’éthique de la délicatesse est à complet contre-courant. Et pourtant, qu’elle aurait de la gueule cette définition des ACM : « lieux d’accueil qui prennent soin avec délicatesse des enfants »…
- Titre :
- Pour une éthique de la délicatesse en animation
- Auteur :
- Jean-Michel Bocquet
- Publication :
- 23 décembre 2024
- Source :
- https://www.jdanimation.fr/node/2631
- Droits :
- © Martin Média / Le Journal de l'Animation
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