Dérives sectaires : gare aux gourous 2.0 !
Les nouveaux gourous recrutent sur la Toile et les réseaux sociaux, surfant sur les manques de notre société (mal-être, développement personnel, santé alternative, notamment depuis la crise sanitaire. Entre la quête de sens et l’emprise mentale, il n’y a parfois qu’un clic.
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En janvier dernier, l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Unadfi) appelait « à la vigilance face au discours des influenceuses sur les réseaux sociaux ». Une alerte qui fait suite à la suspension du compte de la tiktokeuse Ophenya en novembre 2024, accusée d’exercer une emprise sur ses abonnés. « Un cas, selon l’Unadfi, qui n’est pas isolé […] Ces créatrices de contenus, devenues au fil des ans des icônes de beauté et de mode, ont su construire des communautés impressionnantes grâce à des conseils et des tutoriels sur l’apparence physique (…) Désormais (…) elles utilisent leur notoriété pour promouvoir des doctrines liées à des groupes religieux, pseudo-religieux ou spirituels, souvent identifiés par la Mission interminis- térielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) et notre association comme potentiellement sectaires. »
Réseaux sociaux
Aujourd’hui, on ne parle plus de « sectes, notion qui n’a aucune définition juridique », comme le soulignent Jean-Loup Adénor et Timothée de Raglaude dans leur ouvrage Le nouveau péril sectaire paru en 2021 aux éditions Robert Laffont. « Les autorités et les associations préfèrent désormais s’intéresser aux comportements dangereux pour les adeptes ; elles parleront plutôt de “dérives sectaires”, “d’emprise sectaire” ou (…) de “mouvements à tendance sectaires”. »
La Miviludes
La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), rattachée au ministère de l’Intérieur :
- mène une action d’observation et d’analyse du phénomène sectaire à travers ses agissements attentatoires aux droits de l’homme, aux libertés fondamentales et autres comportements répréhensibles ;
- elle coordonne l’action préventive et répressive des pouvoirs publics à l’encontre des dérives sectaires ;
- elle contribue à la formation et l’information de ses agents ;
- elle informe le public sur les risques voire les dangers auxquels il est exposé et facilite la mise en œuvre d’actions d’aide aux victimes de dérives sectaires.
Son dernier rapport date de 2021, le prochain devrait paraître prochainement.
À suivre sur : www.miviludes.interieur.gouv.fr/
Ces dérives sectaires qui se développent via les réseaux sociaux sont loin de l’image du gourou entouré de ses fidèles des années 1980-1990, des personnes isolées vivant en communauté, lui donnant tout leur argent et leurs possessions matérielles ou se mettant en danger de mort, à l’instar de la fin tragique de la secte de l’Ordre du temple solaire, il y a trente ans : une quarantaine d’hommes, de femmes et d’enfants, étaient retrouvés morts dans deux fermes du canton de Fribourg en Suisse. Un suicide collectif sectaire.
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En quoi ces « gourou 2.0 » sont-ils dangereux ? L’Unadfi poursuit : « Ces influenceuses s’adressent à des millions de followers, souvent jeunes, curieux ou en quête de repères. Le danger réside dans la relation qu’elles ont su établir avec leur public, voire dans la fascination qu’elles suscitent, ce qui rend leurs communautés particulièrement vulnérables aux dérives, à l’emprise mentale ou à la rupture avec le cadre familial et social. En relayant des messages spirituels, parfois mêlés de promesses de réussite ou de bonheur, ces influenceuses brouillent les frontières entre développement personnel et prosélytisme (1). Certaines incitent même à rejoindre des groupes ou à adopter des pratiques qui peuvent conduire à un isolement, une perte de chance médicale ou des pertes financières importantes. » Une alerte en forme d’approche de définition des dérives sectaires : emprise mentale, rupture familiale et sociale, isolement, perte d’argent, refus de soins…
De nouveaux visages
Samuel Laurent, journaliste au Monde, parle aujourd’hui, depuis notamment la crise sanitaire, de « nouvelles formes sur les réseaux sociaux, à la grande différence des sectes basées sur le religieux » (2). On les retrouve « dans le développement personnel, individuel, la remise en confiance en soi, autour de la dimension de la santé alternative ». Jean-Loup Adénor et Timothée de Raglaude pointent que, depuis la pandémie de la Covid-19, « toutes les associations de lutte contre les dérives sectaires constatent avec inquiétude une explosion des signalements(…) » Ils ajoutent : « Ces mouvements (…) sont un miroir grossissant des faiblesses de notre modèle social » avec « la montée de l’hyper-individualisme et le manque criant d’une transcendance, d’un idéal commun pour faire société. » Appel à la vigilance, donc.
(1) Zèle déployé pour répandre la foi, pour faire des adeptes, pour convertir autrui à ses idées, pour tenter d’imposer ses convictions.
(2) Podcast « Complotisme, santé alternative : à quoi ressemblent les nouvelles sectes ? », 6 juillet 2021.
© Goulesque
- Titre :
- Dérives sectaires : gare aux gourous 2.0 !
- Auteur :
- Isabelle Wackenier
- Publication :
- 25 février 2025
- Source :
- https://www.jdanimation.fr/node/2688
- Droits :
- © Martin Média / Le Journal de l'Animation
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