Tous soumis aux biais

Le 12 janvier dernier, Anne, décoratrice d’intérieur, racontait sur une chaîne nationale avoir perdu 830 000 euros, arnaquée sur Internet par un faux Brad Pitt. Son histoire, colportée sur les réseaux sociaux, a suscité de la surprise (comment a-t-elle pu croire à une telle supercherie ?), de la compassion (elle est maintenant ruinée) et beaucoup de moqueries et de méchanceté. De la part d’internautes, bien entendu, mais aussi de personnalités et d’entités médiatiques (comme des chroniqueurs ou Netflix) ou sportives (tel le FC Toulouse)… en France et au-delà de nos frontières ! Nous vous invitons à regarder la rubrique Médias de Quotidien du 15 janvier. En quelques jours, Anne est devenue le sujet et la risée du moment sur Internet.

Des esprits réfléchis

Sa mésaventure, malheureusement trop classique, est intéressante à double titre. D’une part, elle démontre que l’homme peut parfois prendre des décisions totalement irrationnelles, en fondant ses choix sur des informations biaisées. Cette victime assure être une « femme sensée » et dit qu’à des moments elle ne croyait pas aux messages d’amour et aux photos de l’acteur américain, parfois de grossiers montages que lui envoyaient les escrocs. D’autre part, elle prouve aussi la viralité que peut avoir une information sur Internet et la toute-puissance de l’effet de mode.

Ces deux aspects sont le résultat de biais cognitifs, ces mécanismes qui peuvent affecter nos décisions et/ou l’évaluation des situations, des gens et des données, souvent sans que nous en ayons conscience. Ils sont au cœur de ce dossier qui, modestement, espère contribuer au développement de l’esprit critique des adolescents et jeunes adultes comme des professionnels de l’animation qui les accompagnent.

Cette découverte des biais cognitifs n’a rien d’anodin, surtout dans un numéro consacré à l’esprit critique. En effet, elle sera l’occasion d’améliorer la prise de décision en étant plus réfléchi et objectif, de mieux comprendre les autres en évitant les malentendus et les jugements hâtifs, ainsi que de donner les clés nécessaires à notre cerveau pour identifier les erreurs dans nos propres raisonnements.

Souvent, nous agissons, portons des jugements et prenons des décisions sans réfléchir. Nous laissons notre cerveau en pilote automatique au risque de nous laisser berner. Si nous avons conscience de ces distorsions cognitives, nous serons plus vigilants et en mesure d’identifier ces raisonnements fallacieux lorsqu’ils surviennent et surtout de les chasser. C’est un travail de chaque instant mais primordial !

Je doute, donc je pense

Il existe un art du doute, la zététique, qui consiste à remettre en question tous les phénomènes que nous croyons comprendre mais aussi ceux que certains perçoivent comme surnaturels. Elle recommande, pour reprendre les termes de l’encyclopédie Wikipédia, « de penser avec ordre et méthode, en tenant à distance dogmes, préjugés et idées reçues ». Cette brève étude des biais cognitifs, des pièges que peut nous tendre notre cerveau, est également une invitation à douter, à se questionner et à remettre en question tout ce que nous croyons savoir. C’est une manière d’être, une posture intellectuelle que nous vous proposons de découvrir sur cette dizaine de pages, pour déjouer les mécanismes cognitifs qui nous amènent à percevoir le monde de manière déformée ou biaisée.

Nous avons imaginé cette découverte ludique, en proposant régulièrement des activités pour montrer la réalité des biais cognitifs aux jeunes. Pour autant, nous ne détaillons pas de projet, de grande animation… Simplement parce que nous concevons cette découverte plutôt comme une succession de courts temps d’échanges entre les jeunes et l’équipe d’animateurs que sous la forme d’une journée thématique.

Au final, les informations seront diffusées sur un temps plus long, par exemple une période scolaire, et à même de mûrir dans l’esprit des jeunes. Il suffit d’ancrer ces temps dans la programmation de la structure et de leur donner une tonalité spécifique et surtout informelle. Ainsi, au fil des semaines, les jeunes gagneront en clarté mentale, et porteront sur le monde un regard plus nuancé et réaliste.